lundi 22 février 2016

AGORAVOX, L'ENCRE CITOYENNE Quand un lecteur-citoyen averti en vaut deux.



Jusqu'à il y a encore peu, seule la radio était capable d'atteindre une masse d'auditeurs répartie aux quatre coins de la planète. En 1918, la III° Internationale lançait la première campagne de propagande radiophonique à direction de l'Europe. La tour de l'émetteur du Komintern située dans un quartier de Moscou s'élevait à 200 mètres au-dessus du sol et diffusait des programmes en plusieurs langues, bientôt suivie par la British Broadcasting Corporation. En 1939, une vingtaine de stations appartenant à l'État français émettaient. En 1941, l'occupant allemand sollicita auprès du régime de Vichy l'autorisation d'installer une station d'émission en zone libre pour y relayer sa propagande, qui donnera naissance à RMC. La « guerre des ondes » et la course à l'audimat vont se révéler de véritables « armes » de masse à longue portée.

Les médias sont loin d'êtres neutres, ils cherchent à : séduire - persuader - influencer - et d'agir sur la culture et l'ordre social, actions relevant de la manipulation et du domaine de la « guerre » psychologique. La publicité rend la rédaction captive des annonceurs qui l'est déjà du conseil d'administration réunissant propriétaires et actionnaires. Le diktat qui prévaut ? le tirage duquel découle les recettes publicitaires qui dépendent du lectorat/audimat, c'est le chien qui se mord la queue. L'information n'est ni neutre ni impartiale et encore moins objective : La même information est traitée très différemment selon le titre, l'organe de presse (écrit, parlé, télévisuel) ou le journaliste. Rappelez-vous : les faux scoops (armes dans les caves de banlieue), la dramatisation (le faux charnier de Timisoara), la campagne de rumeurs lors de l'invasion de l'Irak pour détourner l'attention (affaire Tony Blair), des faits montés en « épingle » (affaire Baudis), des omissions ou informations négligées, etc. Je ne sais rien mais je dirai tout ! Lorsque les faits divers font défaut on ressort les « marronniers » car le papier ne refuse jamais l'encre.

Les chaines d'information, surtout celles en continu, se doivent de trouver de quoi alimenter leur présence dans la boite à images télévisuelles à chaque instant. Plus les images sont spectaculaires et parfois « trash », plus elles font de l'audience et reste simples à traiter dans leur immédiateté. La vidéo sert juste à nous émouvoir, à nous mobiliser, et non à nous informer. La presse remplie d'autres fonctions que l'information : divertissement - évasion - compensation - appartenance sociale (Jean Stoetzel) - connaissance, etc., mais elle ne participe que très peu à la grille de lecture sinon pour nous en offrir une lecture dirigée. Le message véhiculé est-il : argumentatif - descriptif - explicatif - narratif, etc. Seule la mise en scène du récif destiné à produire un effet sur le lecteur prévaut. La presse en mérite-t-elle pour autant le terme de médiacratie et peut-on en exonérer totalement le lecteur, l'auditeur ou le téléspectateur ?

L'informatique redécouvre les médias avec le multimédia (texte, son, image, vidéo, données) qui modifie les règles du journalisme, notamment celle du : qui - quoi - quand - où - pourquoi apparue pendant la guerre de Sécession (1861-1865) et vient bouleverser l'acquisition des connaissances (moocs et tutoriels). L'information n'est pas un système mécanique, un même événement entraîne différents points de vue, celui du témoin, du rédacteur et ceux des lecteurs et des annonceurs. Avec un médium en ligne comme Agoravox par exemple, l'information n'est plus seulement l'affaire des journalistes, elle devient aussi celle des lecteurs qui s'en emparent pour établir une interrelation (transaction), les lecteurs-débatteurs participent à un échange d'opinion sans équivalent. Aucun média imprimé ne peut l'offrir et encore moins avec cette simultanéité propre à Internet. Le 20 heures n'est plus le messager attendu, il fait figure de parent pauvre avec une dizaine d'informations alors que des centaines sont tombées sur les téléscripteurs des agences de presse.

La sève citoyenne se réapproprie l'information pour la vivifier, mais le médium a sa propre logique de communication sociale. Il est un support d'opinions et non la représentation d'une opinion dominante (pour l'instant) car tout un chacun peut s'y exprimer librement. La portée du médium s'étend à toute la francophonie et ne dépend plus des mêmes logiques financières ou nationales. Internet est transnational et donne raison à MC Luhan qui utilisa pour la première fois en 1969, l'expression de « Global Village » que l'on pourrait traduire par village mondial. Nous sommes face à un modèle culturel et participatif. Le « quatrième pouvoir » cher à Edmund Burke tend à reculer et le rang de la bande des « 4 P » à se modifier : politique - police - public - presse en queue de peloton.

Ce médium s'apparente à une auberge espagnole (relais où se retrouvaient les pèlerins qui empruntaient le chemin de saint-Jacques de Compostelle et où ils apportaient leur souper), le lecteur s'empare de l'énoncé qui peut être débattu, voire combattu. Il y a des lecteurs : curieux - instruits - cultivés - passionnés - respectueux qui contribuent à l'enrichissement de la réflexion par percolation ou à une fertilisation croisée ; d'autres qui réagissent à l'emporte-pièce pressés d'émettre un jugement, leur jugement, heureux de bénéficier d'une plate-forme pour diffuser plus largement une opinion qui n'a parfois que peu à voir avec le texte initial (contre-information). Ce n'est plus lire entre les lignes mais dans le marc de « caoua » (café). Par ailleurs, qu'elle valeur accorder à la cotation d'un article quand l'évaluation (mauvais, moyen, bon, très bon et excellent) repose sur le vote de quelques lecteurs seulement alors qu'ils sont plus du millier à l'avoir lu ? De même que le prix d'un livre ne reflète pas sa valeur informationnelle, le nombre d'étoiles accordé ne saurait préjuger de la valeur de l'article, en statistique on appelle cela un échantillon non représentatif.

Certains se sont faits une spécialité malicieuse, à moins qu'il ne s'agisse d'un travers psychologique tendance paranoïde (il suffit de consulter le nombre de réactions de certains pour comprendre l'addiction dont ils sont l'objet), que d'extraire une partie, un mot de son contexte qui n'a de sens que dans son cadre, certains n'attendent pas d'avoir terminé leur lecture pour réagir ! Comme le mauvais critique qui juge le poète et non le poème, il va pouvoir rétablir la vérité ou sa vérité en se réfugiant à l'abri derrière un pseudonyme, c'est à dire en renonçant à ce qui le singularise, son patronyme, sa filiation... Au fil du temps, leur adresse IP a changé, leur pseudo aussi, leur description jamais renseignée (www.ip-adress.com/ip_tracer/), seul le choix de leur « logo » et leurs interventions antérieures véhiculent une série d'indications à leur sujet. Par contre, leur écriture compuscripte reste identifiable entre mille et on peut la voir évoluer au fil du temps chez certains vers une « rage » contenue qui vient trahir leur « mal être » intérieur. Rares sont ceux à saisir leur clavier pour rédiger un « article », pensez donc ! cela reviendrait à se mettre à nu devant la communauté et il est bien plus facile d'écrire en réaction et sur une impulsion (billet d'humeur) que de rédiger sans prétention aucune, un texte à partager avec la communauté.

Ce genre de personnes représente une approche modifiée du triangle de Karpamn passant du rôle d'accusateur (procureur) à celui de la défense (avocat), et d'afficher le déni ou la victimisation de l'accusé. Est-elle consciente de reproduire le contraire de ce qu'elle entend dénoncer et de confirmer le dicton : « donner un grain de pouvoir à un homme et il ne tardera pas à en abuser. » Il nous faut relativiser, ce genre d'énergumènes ne représente qu'une infime partie du lectorat et comme leurs interventions sont clivées et que ce sont souvent les mêmes qui « sévissent », ils doivent représenter en valeur pondérée deux ou trois pour dix-mille lecteurs... Leur répondre serait comme de le faire à un inconnu qui vous interpelle dans la rue oubliant la plus élémentaire règle de savoir-vivre, celle de se présenter et de conserver une distance sociale (travaux du sociologue Edward Hall). Désolé (euphémisme) mais tout le monde ne partage pas les mêmes valeurs et chacun a un parcours de vie différent contribuant ainsi à notre individualité. Nous ne sommes pas des moutons de Panurge.

Il y a des articles et des commentaires qui donnent à penser que des auteurs rédigent parfois un article ciblé en guise de réponse à un lecteur ayant déposé un commentaire « discourtois » pour le provoquer ou l'amener à se découvrir encore un peu plus devant la communauté des lecteurs. Les « teasers » (déclencheurs) les plus fréquemment utilisés sont : le réflexe d'attirance - d'aversion - de frustration - d'identification - le sexe - l'âge - la culture d'appartenance - la classe sociale - l'idéologie. Le lecteur visé affublé de ses filtres mentaux se précipite généralement tête baissée vers le « collet »... A-t-il entendu parler des travaux de certains services chargés de l'étude des messages circulant par-ci, par là ? A moins qu'il ne participe involontairement et par ignorance à une étude sociologique... Si seulement il avait pris l'élémentaire précaution de terminer sa lecture et lu les autres posts après s'être assuré d'avoir compris le thème dans son cadre au lieu d'engager une transaction paradoxale, que de malentendus seraient évités et de moments agréables partagés. Il nous faut ici souligner que le rédacteur reste un bénévole qui présente une approche de certains faits sans pour autant y adhérer forcément, CQFD ! L'article n'est pas un procès-verbal.

L'histoire nous a transmis un dialogue entre Socrate et un interlocuteur demeuré inconnu.
- L'interlocuteur : « sais-tu que j'ai appris une nouvelle concernant ton ami ? »
- Socrate : « Attends un instant, avant de me transmettre une nouvelle, je voudrais qu'elle passe le test des trois filtres. Tout d'abord celui de la vérité : as-tu vérifié si ce que tu me rapportes est vrai ? »
- I : « Non je l'ai seulement entendu dire. »
- S : « Alors prenons le deuxième filtres, celui de la bonté. Ce que tu veux m'apprendre sur mon ami, est-ce quelque chose de bien ? »
- I : « non, pas du tout, il paraît qu'il a mal agi ! »
- S : « Ainsi, tu veux me raconter de mauvaises choses sur mon ami et tu n'es pas sûr que ce soit vrai ! Il reste encore le filtre de l'utilité. Est-ce utile pour moi de savoir ce qu'a fait mon ami ? »
- I : « Pas vraiment. »
- S : « Alors, si ce que tu veux me dire n'est ni vrai, ni bon, ni utile, pourquoi me le faire savoir. Toi aussi tu ferais mieux de l'oublier. »

Quelques lecteur n'entrent en communication que pour obtenir la satisfaction d'un désir déclaré mais plus souvent latent afin de combler leur frustration sans prendre le temps de la réflexion ni de soupeser le pour et le contre, l'avantage et le désavantage de leur participation. Tout contributeur ou débatteur désireux d'éviter une relation paradoxale et une perte de temps inutile se doit de savoir repérer ces artifices pour les contourner ou rétablir une vérité première. Le débatteur respecte-t-il la chronologie, procède-t-il à des ressemblances, des amalgames, soulève-t-il de nouvelles implications, juxtapose-t-il des ressemblances, établit-il des relations de cause à effet, utilise-t-il des figures appartenant au champ de la rhétorique ? Tout peut devenir ambigu et venir contribuer à brouiller la pensée initiale, chacun ensuite de rester sur son rail sans jamais rencontrer son interlocuteur. On « parle » mais sans échanger vraiment, car la communication reste déphasée et sous l'égo se devine « le fond qui remonte à la surface », c'est la sempiternelle histoire du contenant et du contenu.

Le multimédia reste un couteau suisse, c'est à dire un outil capable de répondre à différentes utilisations, notamment à une demande et à une culture qui seules lui donnent sens. La grille de lecture est parfois brouillée par des positions dogmatiques étoffées d'une sensibilité exacerbée sur lesquelles viennent se greffer une analyse de texte parfois défaillante et une culture indigente, ce qui n'empêchent pourtant pas leur tenant d'avoir une idée sur(tout) et qui ne se prennent jamais à douter... Qu'importe ! la vérité est plurielle. Petite phrase du jour : « Il y a deux sortes de vérités : celle du raisonnement et celle des faits. Les vérités de raisonnement sont nécessaires et leur opposé impossible, et celles des faits sont contingentes et leur opposé est possible. » ( Leibniz)



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