lundi 22 janvier 2018

Les fraternités (mafias) russophones


Le 16 novembre 2017, une opération policière en région île-de-France a permis l'interpellation de 37 Géorgien(e)s soupçonné(e)s d'appartenir à l'organisation criminelle « Vory v Zakone », la saisie de 70 000 euros en espèces, des Mercedes, BMW, Audi Q7, des armes, et le blocage de 200 000 euros sur des comptes bancaires, actes judiciaires clôturant 18 mois d'enquête. L’argent liquide servait à payer des comparses, à financer des transactions illégales, et des entreprises en rapport avec le secteur du bâtiment dirigées par des russophones se chargeaient d'établir de fausses factures, de déclarer des employés fictifs, et de rémunérer des ouvriers au noir. Le préjudice est estimé à plusieurs millions d'euros !

L'arrivée de cette criminalité inquiète toutes les polices d'Europe, et le citoyen est en droit de s'interroger sur l'inconséquence de nos hommes politiques. Chaque arrivée massive entraîne une nouvelle criminalité, et personne au niveau de l'État n'a l'idée de consulter des sociologues, des ethnopsychiatres, etc., sur la mentalité nationale des demandeurs d'asile ! Le quai d'Orsay a-t-il mis le gouvernement en garde lorsque le parlement géorgien a voté une loi d'amnistie (2012) entraînant la libération de plusieurs milliers de détenus et le limogeage de 300 fonctionnaires du ministère de l'Intérieur, véritable déferlante de malfaiteurs qui a attiré d'autres clans caucasiens ? On estime à 70 000 le nombre de russophones (200 000 avec leur famille) qui sillonnent l'Europe. En 2013, les russophones étaient les deuxièmes demandeurs d'asile dans l'Union Européenne à l'échelle mondiale derrière la Syrie.

La Rivièra franco-italienne qui s'étend sur quelques centaines de kilomètres avec ses casinos, son hôtellerie de luxe, ses boites de nuit, sa population huppée et à l'immobilier recherché a de quoi retenir leur attention. Nice concentre plus de 20 000 Russes (nombre qui englobe les ressortissants des anciennes républiques ayant demandé le passeport russe) sur les 90 000 établis en France, chiffre auquel il convient d'y ajouter les nombreux russophones des ex-républiques sans parler des touristes qui y débarquent et des pendulaires. Le 18 mars 2010, un vor qui sortait d'une villa louée sous un nom d'emprunt dans la région marseillaise flanqué de ses deux gardes du corps, fut abattu de sept balles. Ce membre proche du clan de Koutaïssi avait échappé aux tueurs deux mois plus tôt, en s'enfuyant par la fenêtre d'un appartement niçois...

Le crime organisé en Russie a commencé à l'époque impériale des Tsars. Au XVIII° siècle, les bandits de grands chemins qui s'en prenaient aux biens de l'État pour en redistribuer une partie aux pauvres étaient considérés comme de véritables héros populaires. Le temps passant, ces bandes vont édicter un code de conduite reposant sur la fidélité entre ses membres et une opposition farouche au gouvernement. Cela allait donner naissance dans les années vingt au « Vory v zakone » ou « voleurs dans la loi », qu'il faut interpréter comme la loi propre à cette pègre et non le Code pénal... Cette grande pègre allait se distinguer par un argot (Fenya) que l'on retrouve au sein des services secrets (toit, couverture, torpédo, cordonnier, etc.), des tatouages très particuliers indiquant le rang de son porteur au sein de l'organisation, et une certaine forme d'organisation (cellules pyramidales en grappe).

Les « vory » (vor est le singulier pour voleur) ne doivent entretenir aucun lien avec les représentants du gouvernement ou de ses institutions, hors de question de servir dans l'armée, de coopérer avec le personnel de la pénitentiaire, ou tout simplement appartenir à un organisme communautaire. Avoir purgé plusieurs peines d'emprisonnement est un plus (le tatouage est alors surmonté d'une couronne, et le nombre de dômes indique le nombre de séjour pénitentiaire). Le « vor » se doit de renoncer à une vie familiale normale, à travailler, et à être propriétaire. Sa seule source de revenus doit provenir d'activités délictueuses... L'entraide est la base de la cellule, le « vor » loge chez le menu fretin, conserve le secret, ne s'adonne pas à la boisson ni au jeu (risque de compromission), et aide les autres « vory » dans le besoin. Le « vor » est un macho, les « Ponyatiya » (règles de conduite) n'autorisent pas le mariage. Si le « vor » peut avoir plusieurs maîtresses, il ne doit ni pratiquer le cunnilingus ni avoir d'enfant. Le « vor » qui trahit ses comparses pour une femme est méprisé et châtié. Cette série de préceptes datant de l'ère soviétique a aujourd'hui presque totalement disparu, et le mélange des genres est devenu monnaie courante. Le « vor » moderne préfère se vêtir de façon neutre, mais, sous le costume sur-mesure d'un maître tailleur, il reste un macho absolu et un fléau pour les polices occidentales.

La structure originelle reposait sur un « parrain » (Krestnii Otets) qui supervisait une « bratva » (brigade) comprenant quatre cellules d'une sizaine de Boyeviky (guerrier) et de « Shestyorkas » (associés, hommes de main), chacune disposant à sa tête d'un « Avtoritet » (l'Autorité). Chaque cellule était placée sous le contrôle de deux « observateurs », un groupe renseignement et un groupe de sécurité composé de « Shestyorkas » chargé d'assurer la couverture (la structure ressemble à un groupe militaire ternaire). Le « kaznachey » (le trésorier du groupe) collectait les revenus du crime et percevait l'« Obshchack », la dîme que les voleurs se devaient de reverser aux « vory v zakone » pour alimenter une caisse d'entraide destinée aux vory emprisonnés. La société de vory ne se cantonnait pas à la Russie, elle s'étendait à : l'Arménie - l'Azerbaïdjan - la Tchétchénie - la Moldavie - la Géorgie - l'Ukraine - Arménie - Kirghizstan - Ouzbékistan - Abkhazie - Ingouchie. Le NKVD (l'ancêtre du KGB) avait réussi à neutraliser ces bandes ethniques, mais en usant de méthodes que réprouveraient tous les États démocratiques.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, Staline promit la liberté aux prisonniers qui acceptaient de rejoindre l'Armée rouge, attitude allant totalement à l'encontre de l'esprit des vory qui ont prêté serment de refuser toute faveur aux officiers, gardiens de prison. Un grand nombre allait cependant affluer, certains dans le dessein de contribuer à l'effort de guerre, d'autres de déserter. La guerre terminée, les vory reprirent leurs affaires et connurent de nouveau le camp de travail. Ceux qui avaient accepté de se joindre aux combats étaient considérés comme traîtres par leurs « frères » et désignés sous le nom de « Suka » (salope). Les gardiens des goulags (camps de travail) incitaient les différents groupes à s'étriper entre-eux afin de réguler la population carcérale avant qu'elle ne soit scindée en deux groupes, les « Suka » et les vory. Les luttes faisaient chaque jour plusieurs morts et les vory inculquaient leur mode de pensée et de fonctionnement aux autres détenus. À la mort de Staline, ce fut près de huit millions de détenus qui sortirent des goulags ; nombreux furent ceux à avoir adopté l'esprit des « Suka », prêts à collaborer avec les membres du gouvernement. La corruption allait se répandre parmi la classe des fonctionnaires, la future nomenklatura.

Dans les années 1970-1980, des pans entiers de l’économie souterraine étaient contrôlés par les apparatchiks et autres dignitaires soviétiques. L'ouverture souhaitée par Boris Eltsine allait donner naissance à une nouvelle typologie criminelle. Des membres du KGB, du GRU, de l'Armée rouge et de hauts-fonctionnaires vont à leur mise en congé, se tourner vers les milieux criminels et contribuer à dépouiller le pays pour leur seul profit et intérêts personnels. Les conflits entre « familles » ne sont plus réglés par le « parrain » et la règle du chacun pour soi prévaut. La privatisation « sauvage » de pans entiers de l'industrie russe a permis à certains d'engranger des sommes colossales estimées à près de 50 % de l'économie ayant entraîné une chute du PIB de 46 % sur cinq ans ! « Cela ne leur a pas suffi, ils ont jeté leur dévolu sur les ressources naturelles, le patrimoine national », et d'avoir recours aux fraternités criminelles pour assurer leur protection, au point qu'ils finirent par entrer en concurrence économique avec leurs complices et protecteurs !

L'ouverture des frontières et la possibilité de voyager allait leur permettre de procéder à des transferts d'argent sale vers les banques occidentales. Les paradis fiscaux de servir à la création de nouveaux établissements financiers alimentés par : le trafic de devises - la contrebande de matériel militaire, industriel - le détournement d'aides internationales (affaire Podatev). Même le bureau politique du Parti prit ses dispositions pour placer ses actifs sur des comptes ouverts dans les pays capitalistes via des sociétés-écrans... « Aucune des enquêtes et contre-enquêtes diligentées par le Président et le Soviet suprême sur les malversations et corruptions liées aux privatisations et au sort des biens du parti n’a abouti (1993). » Au mois de septembre, le vice-président de la banque centrale et directeur de la banque du commerce extérieur étaient assassinés, le mois suivant, le vice-président de la banque centrale russe qui avait retiré les licences d’exploitation à 79 banques russes spécialisées dans le blanchiment de ce pillage, fut lui aussi assassiné.

Selon Nourgaliev (ministre de l'Intérieur russe en 2005), la pègre de l'ex URSS se groupe par « corporations » (politiques, militaires, juges, miliciens), secteurs économiques (pétrole, bois, ambre, informatique, etc.), par spécialités (drogues, armes, prostitution, etc.), et en fonction de critères territoriaux ou ethniques formant des clans slaves, caucasiens et asiatiques qui ont développé de puissants liens inter-régionaux et internationaux leur permettant d'opérer : en Europe, au Moyen-Orient, aux États-Unis, en Amérique du sud, bien loin de leur base d'origine. En 2009, on estimait à 200 le nombre de groupes capables d'agir dans une cinquantaine de pays, l'année suivante, leurs effectifs atteignaient 300 000 membres. Le Cercle des Frères, groupe multi-ethnique de l'ancienne URSS, opère en Europe, au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique latine !

Bien que certains d'entre eux soient des vory en Europe de l'Est, en France ce sont des hommes de main. Quand ils ne rackettent pas les hommes d'affaires russes installés dans l'Hexagone, les gangs tchétchènes louent leur force de frappe aux vory géorgiens dont ils sont aussi les gardes du corps, à l'image des deux costauds qui protégeaient « Rezo », l'un des vory les plus respectés, arrêté en décembre 2012 à Millau. Jusqu'en mai 2011, on leur connaissait au moins un chef qui régnait sur la communauté de Nice, leur « capitale » française. Abdullah Erzanukayev, 56 ans, a été abattu de deux balles de calibre .22 long rifle, l'une dans le front l'autre en plein cœur, alors qu'il dînait chez un Géorgien en compagnie d'un vor arménien éliminé en même temps que lui. Abdullah Erzanukayev, surnommé l'«Autrichien », avait été entendu dans l'affaire Kama Trade, une société installée sur les Champs-Elysées soupçonnée de blanchiments. Ce réfugié politique pro-indépendantiste de la Tchétchènie, avait pris ses quartiers à Nice après un passage par la case prison.

En 1995, le vice ministre de l'Intérieur Russe a déclaré : « La mafia moscovite est capable de livrer des matières nucléaires ... elle en possèderait même suffisamment pour fabriquer une bombe cinq fois plus puissante que celle d'Hiroshima ». Un rapport du Ministère russe faisait état de 5 600 groupes criminels forts de 100 000 membres au service de la « pieuvre rouge » qui contrôlerait près de 48 000 entreprises, 1 500 établissements publics et 800 établissements financiers. L'enquêteur russo-arménien Telman Glyan connu pour sa probité lançait un avertissement : « ce n'est plus le spectre du communisme qui hante l'Europe, mais l'ombre de la mafia de l'ex-URSS. Prenez garde, ces gens là sont beaucoup plus dangereux que vos criminels. En Europe occidentale, des règles du jeu se sont établies au fil des siècles, y compris dans le monde criminel. Chez nous, il n'existe aucune règle ».

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