samedi 13 septembre 2014

LES ESPIONS DE POUTINE EN FRANCE

Prononcer le vocable "espionnage russe", c'est presque déjà porter un jugement de valeur péjoratif qui désigne un domaine emprunt de clichés datant de l'URSS. Quand les sources existent, elles sont sujettes à caution, voire aux doutes. La principale difficulté d'interprétation consiste à découvrir un ordonnancement d'éléments de valeurs différentes : militaire - politique - économique - social - géopolitique, etc., en oubliant presque le poids des caractéristiques nationales des plus aptes à mobiliser des convictions identitaires décuplées par un sentiment d'appartenance, à l'origine des raisons plus que celles des causes. On ne peut "maîtriser" ce que l'on ne comprend pas ou mal, ce qui revient à peu près au même. Les différents n'ont jamais une seule cause et tous les acteurs ne poursuivent pas le même but, l'un peut faire reposer son raisonnement sur un postulat et celui d'en face sur un autre...

Après l'implosion de l'Union-soviétique, l'OTAN passa du rôle de "victime" à celui de sauveteur, nous avons su juguler la guerre froide, éviter un conflit Est-Ouest en Europe ainsi que l'apocalypse nucléaire, l'alliance en vint presque à considérer la Russie comme un acteur international de second rang, allant jusqu'à en négliger les menaces traditionnelles : militaire, économique, etc., pour se concentrer sur les nouveaux persécuteurs responsables des menaces liées au terrorisme et à la grande criminalité avant de constater que les anciennes menaces n'avaient aucunement disparues. Les espions sont toujours à l'œuvre et la Russie ne ressemble pas à Disneyland.

Le Nouvel Observateur du 24 juillet 2014 titrait : " Révélations sur les espions russes en France " et le rédacteur nous narrait l'histoire d'un attaché de l'Air, membre du GRU, le SR de l'armée ; cette histoire me rappelle le cas similaire d'un " client " qui fréquentait et passait commande d'ouvrages militaires dans une librairie parisienne, à l'époque la DSRI n'avait pas encore été crée. Dans la réalité, les espions n'ont jamais quitté leurs terrains de chasse. Les mouvements transfrontaliers des individus sans discernement d'appartenance a plus que contribué à faire entrer la meute ; comptons sur les bons apôtres pour les aider à s'y installer et à prospérer.

A Nice, par exemple, deuxième ville la plus visitée par les touristes après Paris, troisième ville où il fait bon étudier et 5° ville de France dans laquelle fut assassiné le colonel Bernard Nut, le représentant de l'antenne locale de la DGSE (quelques semaines après cet homicide, 47 diplomates soviétiques étaient "invités" à quitter la France), concentre près de 10 000 Russes, chiffre auquel il convient d'y ajouter les russophones des ex-républiques et les réfugiés politiques, Tchétchènes, Géorgiens, etc. Un véritable paradis pour y implanter des espions. Toutes les institutions des anciennes Républiques ayant rejoint l'OTAN : Tchéquie - Hongrie - Pologne (1999) - Bulgarie - Pays-Baltes - Roumanie - Slovaquie - Slovénie (2004) - Albanie et Croatie (2009), sont truffées d'agents russes. Combien de Georges Pâques siègent à l'OTAN ?

Une question me taraude, nos hommes politiques qui nous ont rendu stupides avec notre accord tacite et total, le sont-ils devenus eux-mêmes ? L'idéologie agit comme une lentille déformante biréfringente, si l'adhésion est volontaire, elle représente un liant très solide, sinon gare au réveil ! Notre ethocentrisme agit comme un filtre puissant, les Occidentaux sont des adeptes de la stratégie des dominos, j'en ébranle un les autres suivent, les Russes du jeu d'échec, le cavalier saute de deux cases et il se pose sur la Crimée... Quel autre mouvement à venir ? 

Les Russes ont quitté l'ère soviétique et un homme comme Vladimir Poutine n'a plus grand chose à voir avec ses prédécesseurs et encore moins avec le marxisme-léninisme d'antan. La méthodologie de l'espionnage est liée à un modèle générationnel : mentalités (idéologie, patriotisme, indépendance nationale) - transmissions - code et chiffre - infiltration, etc. L'espion russe actuel a intégré le XXI° siècle de plein pied, rien à voir avec le film Good Bye Lenin.

L'espionnage n'est pas qu'une réalité virtuelle, il restera pour longtemps une activité utile à condition que ses retombées soient sources de richesses et que ces dernières servent la population, en cela, l'espion s'inscrit dans la pensée marxiste, s'il reste un agent économique qui œuvre selon la loi des marchés, de l'offre et de la demande, il n'a rien oublié de l'Histoire, de l'honneur et du serment de fidélité. Pòka tovaritch !

jeudi 12 juin 2014

" LE RENSEIGNEMENT EST NOTRE FUTUR "

" Le modèle d'organisation des forces spéciales françaises présente deux particularités majeures. D'une part, il est resté fortement marqué par l'importance des forces clandestines et le souvenir du BCRA, ce qui explique que soient confiés dans les mains de la DGSE le renseignement et l'action, et constitue de ce point de vue un modèle unique en Occident. (...) La solution pragmatique qui vient immédiatement à l'esprit serait de transférer une partie des forces du service action de la DGSE vers le COS. Est-ce envisageable ? (...) La direction des opérations de la DGSE compte environ un millier d'opérateurs, dont plus de sept cents pour le seul « service action » (SA) sur un total de l'ordre de cinq mille agents. (...)

Cela pose un problème de formation, et de l'imputabilité de l'action, le rapport de préciser " Premièrement, le recrutement et la formation des forces spéciales et des forces clandestines sont similaires, de même que les équipements et les entraînements ; au demeurant, certains équipements destinés à l'action clandestine signent l'identité de notre pays ; certaines missions sont identiques : quelles différences entre un sous-marin qui transporte des nageurs de combat de la DGSE et un sous-marin qui transporte des commandos Hubert ? Seul le caractère revendicable ou non de l'opération trace une claire ligne de partage. Mais pour qu'il n'y ait pas de lien, encore faut-il que les opérateurs clandestins ne puissent en aucune façon être rattachés à l'Etat commanditaire. (...) Deuxièmement, le fait de confier à des militaires des opérations clandestines suppose qu'ils n'échouent jamais. En effet, lors d'une opération ratée, le fait que les personnes compromises soient d'anciens militaires français signe de façon irréfragable l'identité du commanditaire. L'inverse n'est pas vrai : l'utilisation de forces spéciales à des fins d'action dans un pays étranger ne compromet pas les actions de la DGSE dans des missions d'action militaire qui ne sont pas leur vocation et qui, en cas d'échec, nuiraient à leurs activités de renseignement et d'action clandestine. (...) Il ne s'agit en aucune façon de remettre en cause la nécessité pour notre pays de disposer de forces capables de mener des opérations clandestines. Tout au contraire, il s'agit de repenser à froid l'action clandestine compte tenu de l'évolution des technologies et de prendre en compte une éventuelle « civilisation » des effectifs. La question de la protection juridique des agents doit également être traitée afin d'éviter, comme ce fut le cas en Italie, la mise en examen de hauts responsables pour participation à des opérations illégales." Rapport d'information remis à la Présidence du Sénat le 13 mai 2014, établi au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le renforcement des forces spéciales françaises". 

Depuis l'émergence du terrorisme transfrontalier, par exemple, la situation n'en est plus à la théorie des jeux à somme nulle (un gagnant et un perdant). Aujourd'hui, le renseignement se doit de s'inscrire dans un jeu à somme positive. Un ancien agent du SA a révélé la teneur de certaines missions accomplies, comme, par exemple, reconnaître les infrastructures d'un aéroport européen... N'eut-il pas été plus logique et moins coûteux de recruter ou de dévoyer un employé de l'aéroport détenteur d'accès privilégiés ? Nombre de missions relevant du renseignement opérationnel sont plus proches de celles d'un enquêteur que d'un militaire (renseignement d'origine militaire exclu bien entendu). Le renseignement opérationnel concerne à la fois l'officier de police judiciaire, l'agent clandestin, l'agent des douanes, le détective, et toute personne dont les investigations en vue d'obtenir des informations se passent sur le terrain, techniques décrites dans " Le renseignement opérationnel paru aux éditions Chiron 2013.

Le renseignement est en passe de devenir un produit comme un autre, produire du renseignement se doit à devenir un nouveau service d'intérêt national. Le 22 juillet 1944, quarante-quatre délégations nationales signaient l'accord économique de Bretton Woods qui entérinait l'ouverture des frontières et la coopération internationale, la création du FMI avec la primauté absolue du dollar, l'instauration de la Banque internationale pour la reconstruction et le développement. Le 15 août 1971, les États-Unis mettaient fin à la convertibilité du dollar en or, ce qui eu pour effet de faire éclater le système des taux de change fixe. Les monnaies allaient devenir l'objet d'une vulgaire marchandise. Au mois d'octobre 1987, le marché était confronté à un krack dû aux Black-Scholes (option), en 97 le marché asiatique s'effondrait, en 2001 on assistait à l'explosion de la bulle Internet, le mois d'août 2007 voyait surgir la crise des subprimes, l'année suivant l'effondrement du crédit. Malgré tous les outils informatiques à notre disposition, on est incapable à prévoir les crises économiques

Notre pays a besoin plus que jamais d'agents de renseignement en prise directe avec la société civile. L'espion actuel a pour tache d'alerter, de conduire des investigations, des observations, anticiper des besoins, de juger des pistes essentielles, découvrir qui est qui, qui fait quoi, où trouver qui, où trouver quoi et être en permanence à l'affût de ce qui se passe et se dit. Cette dynamique repose sur une série d'actions hors cadre judiciaire légal : l'infiltration sous fausse identité - surveillance statique (observation), dynamique (filature), électronique (captation, localisation, brouillage, intrusion) - soutirer (tirer les vers du nez) - soustraire (dérober). La démarche est similaire à l'esprit de l'article 13 de la Loi de programmation militaire avec l'atteinte à la vie privée et aux libertés individuelles que cela pose. Même si l'action peut être légitime au regard de certaines situations, elle n'est pas "alégale", ce qui serait un moindre mal, mais illégale.


Oubliez James Bond et consorts, dans la réalité opérationnelle l'agent n'irait pas très loin. Il ne s'agit que de fictions et de divertissements. L'agent en préparation se doit de leur préférer la narration d'affaires qui détaille la réalité opérationnelle, mieux, qui en commente les points forts et les points faibles. Une série d'histoires doit se transformer en autant de leçons, ce que j'ai essayé de faire avec le titre " 15 histoires extraordinaires d'espionnage" éditions Chiron.

La nature pluridimensionnelle des missions n’entraîne pas de différences fondamentales, on parle de compétences globales. La notion de compétences : savoir (connaissances), savoir-faire, et savoir-être, reste indissociable de l'activité, conduire des actes de recherches d'informations dans le cadre de la prévention, de la protection contre des menaces potentielles dirigées contre la sécurité intérieure, et des enquêtes d'environnement fin action tout en contribuant à la veille économique, scientifique, n'est pas une mince affaire. Établir un référentiel de technicien du renseignement est d'autant plus complexe qu'il s'agit d'un agent opérant de sa propre initiative et assumant seul la responsabilité des recherches nécessaires à une mission ne s'inscrivant pas dans le cadre du légal du code de procédure pénale, à laquelle s'ajoute un facteur anxiogène lié à l'insécurité psychique, physique et à l'éloignement.

La culture du renseignement et son appropriation peuvent modifier notre avenir, est-ce un hasard si le mot "culture" s'applique à l'art de faire pousser des plantes nourricières ? on ne pouvait trouver plus belle analogie : remuer la terre, l'ensemencer, la fertiliser, la surveiller, éliminer les mauvaises herbes, etc., afin que les graines s'épanouissent et se développent jusqu'à maturité pour leur consommation.

Tout au long de la formation, les savoirs acquis reposent sur des échantillons de savoirs destinés à doter l'agent de repères issus du retour d'expérience, ce qui signifie pour l'agent à l'instruction la transmission d'approches antérieures. Comment peut-on juger autrement que par comparaison et en rattachant tout "problème" à une série d'expérience passées ? Dans 

les faits, il s'agit de doter une personne ordinaire, disposant cependant d'un certain état d’esprit, de connaissances et de stratégies comportementales afin de lui permettre d'accomplir des tâches qui sortent de l'ordinaire. Si le référentiel souligne les nombreuses compétences individuelles indispensables à l'identification, la localisation, et l'accès aux sources, l'agent se doit à percevoir, réfléchir, ressentir, et savoir-faire preuve - de discernement - disposer d'une bonne capacité d'analyse - de synthèse - être réactif - ingénieux, mais surtout posséder une bonne érudition en sciences humaine et techniques. Imaginons qu'une source potentielle parle d'une technologie de pointe, si l'agent lui délivre une remarque cohérente, mieux, pertinente, il lui sera probablement plus aisé de maintenir la conversation, voire la relation. Plus l'érudition sera étendue, plus l'agent pourra "accrocher" des sources détentrices d'éléments d'information.

Ensuite, le succès repose souvent sur la capacité à traiter les situations et les problèmes en utilisant uniquement ses connaissances et ses particularités caractérologiques. La capacité à manipuler son prochain ne doit pas reposer sur un trait de caractère permanent, mais être "déclenchable" quand cela est absolument nécessaire. L'agent doit être conscient de ce changement de registre afin d'en garder le contrôle et non se laisser emporter par cet état. 


On assiste à une fin de système et à l'émergence de nouvelles problématiques dans un monde de plus en plus complexe. Le temps ou l'on prenait des décisions en tenant seulement compte du passé, des connaissances acquises, et des probabilités est définitivement révolu. Il ne s'agit plus de prédire un futur "donné", voire attendu, mais de préparer les esprits à réinventer un nouveau monde dont la carte du territoire n'est pas encore tracée. Le renseignement se doit à évoluer sous l'impulsion des attentes de la société et l'agent devenir un être " hybride" capable de raisonner à partir de ses méconnaissances plutôt qu'à partir de ses connaissances qui interagissent comme autant de filtres mentaux. Quand Arthur Clarke envisagea en 1945, les communications par satellites, les "experts" le traitèrent d'utopiste. Une douzaine d'années plus tard, le lancement de Spoutnik allait bouleverser les mentalités et la conquête spatiale entraîner une mutation insoupçonnée. En 1958, le sous-marin atomique américain, le Nautilus, passait sous la calotte glaciaire, accomplissant un périple de 3 000 km en se fiant uniquement à une centrale inertielle. L'électronique (traitement d'un signal) allait amener une véritable révolution comparable à celle de l'invention de l'écriture. On dénombre aujourd'hui plus de 20 000 objets issus de cette branche de la recherche !

Les inventions et autres innovations technologiques n'ont cessé d'améliorer notre quotidien, mais les décennies à venir nous laissent entrevoir bien d'autres progrès remarquables. On ignore encore la plupart des "inventions" dont nous aurons besoin, le principal écueil est de définir les besoins. Comme le disait Albert Szenc Györgyi " le génie consiste à voir ce que tout le monde a vu, et penser à ce quoi personne n'a pensé." 


Assisterons-nous, comme pour les sociétés militaires privées, à une " privatisation " du renseignement ? Des précédents ont existé, en Suisse notamment, et cela semble lui avoir réussi au plan opérationnel. La France sera-t-elle, par excès de prudence, en retard d'une guerre que certains qualifient de troisième guerre mondiale ? Ce n'est pas par le renseignement uniquement qu'on résoudra les problèmes divers que nous rencontrons, mais le renseignement peut contribuer à préparer la société de demain et il me parait absurde de vouloir s'en passer.
 




A PARAÎTRE (février 2015)
STAY BEHIND les réseaux secrets de la guerre froide

STAY BEHIND  de Gérard DESMARETZ
En cas d'attaque soviétique en Europe occidentale, le réseau Stay Behind devait exfiltrer des membres du gouvernement et participer à la lutte clandestine afin de contribuer à restaurer la souveraineté nationale des États-nations démocratiques. L'efficacité du dispositif qui couvrait une douzaine de pays reposait sur, le secret, l'état de préparation, et la réactivité de l'organisation de résistance.

Cet ouvrage apporte un vision précise du fonctionnement de ces réseaux dormants, de l'état d'esprit qui en animait ses membres, et il nous rappelle que la guerre froide a bel et bien été le "produit" d'un certains nombre de facteurs : politique, économique, militaire, sociaux et idéologique, souvent occultés, mais indispensables à la compréhension du dispositif Stay Behind.

L'auteur nous révèle l'existence de cellules autonomes parallèles et mentionne des passages de rapports officiels qui infirment nombre de thèses avancées à propos de la collusion du réseau Stay Behind avec des organisations politico-criminelles. Certaines des informations délivrées sont capables d'ébranler des certitudes nées de la polarisation des positions, car l'après guerre froide agit encore auprès d'une "élite" intellectuelle comme un conditionnement très puissant. 

mardi 25 mars 2014

LE PRIX D'UNE VIE HUMAINE
" Une vie humaine n'a pas de
prix, mais elle a un coût."

La disparition du vol MH 370 avec 259 personnes à bord pose la question sur la valeur d'une vie. Combien la société civile est-elle disposée à investir pour protéger une vie. Commençons par aborder la disparition des passagers de manière non passionnelle, mais comme un phénomène relevant de la victimologie. Le cadre posé, au-delà même des questions éthiques, morales, culturelles, affectives, la vie humaine ne serait-elle pas surévaluée, au risque de tendre vers le complexe d'Abraham ( anciennes fonctions sacrificielles ) ou l'eugénisme ? Dans la société occidentale moderne aux normes de sécurité contraignantes, la collectivité tend à accorder un prix élevé à la vie humaine, tandis que dans une société peu développée, le risque est supporté par le clan ou l'individu, c'est aussi l'approche des assureurs, avec toutes les dérives qui peuvent venir en résulter. Après le crash d'un Boeing, la Compagnie avait décidé qu'il était moins onéreux d'ignorer l'accident que d'engager les modifications sur sa flotte. C'était sans compter sur la pugnacité de la famille de l'une des victimes. Le scandale et le procès finirent par faire revenir la Compagnie aérienne sur sa décision initiale, celle de ne rien faire (coût de renoncement).

Depuis l'antiquité, l'homme aspire à introduire de la rigueur dans ses choix, c'est ce que l'on appelle l'art de prendre des décisions ou des prévisions, questions déjà abordées avec le chapitre consacré à l'audit. Comment évaluer la valeur d'une vie? On pourrait paraphraser Bentham et dire que la sûreté-sécurité est le solde positif moins les incidents, selon le nombre de personnes affectées, leur durée et leur intensité. La perte de 3 000 vies survenue en deux heures de temps lors de l'attentat du 11 septembre 2001, n'a pas la même valeur que 3 000 victimes d'accidents de la route étalés sur plusieurs mois (8500 morts par an).

L'importance d'un aéronef dans un pays lointain n'est qu'un micro phénomène. L'ordre public n'étant pas troublé, il n'y a donc pas de coupable. Il y a des gens qui ont raison ou qui ont tort, ce qui relève du droit civil, d'ailleurs, ce sont les Affaires Etrangères qui sont en charge de ces affaires, rarement le ministère de la justice. La victime n'est qu'un fragment, quoique important, d'un tout bien plus grand qui dépasse sa personne. Sans caisse de résonance, l'accident demeure sans importance internationale. Le point de vue de la journaliste Christine Ockrent vaut à être rapporté "Sur les chaînes nationales, on constate que le fait divers l'emporte parce que l'émotion prime sur l'analyse ; à peu près tout ce qui parait complexe est banni de l'information télévisée". Et selon Annick Dubled " Un fait n'est divers que médiatisé. C'est un indicateur symbolique et non statistique d'une société."

Un premier choix possible serait de calculer le ratio coûts / bénéfices, mais la réponse serait biaisée, car il suffirait de ne retenir que l'action la plus rémunératrice. Lors d'une prise d'otage, faut-il par exemple verser 50 millions de dollars pour sauver 1 vie ? Une réponse se dessine. Combien un individu serait-il prêt à payer pour s'assurer contre le risque de perdre la vie ayant une chance sur 10.000 de se produire? Imaginons que ce soit 750 $/an, un dix-millième de vie vaut donc 750 $. La valeur statistique d'une vie vaut 7.5 millions (750 x 10 000). Sachant que les ressortissants des pays développés sont disposés à consacrer à leur sécurité une somme équivalente à 120 fois le PIB par habitant : 115 809 $ pour un Luxembourgeois (chiffre de 2011) - 48 088 pour un Américain - 43 088 pour un Français - 8 400 pour un Chinois et 1000 $ pour un Irakien. On s'aperçoit que la valeur de la vie est inégale. La vie d'un Français en 2011 valait 5.17 millions de $ (le rapport Boiteux estime la valeur d'un Français à 1 million d'euros) et celle d'un Luxembourgeois à plus de 13 millions de dollars.
Cette méthode ignore : les salaires perdus, le capital amassé, le montant des primes d'assurance versées, la perte économique pour la collectivité (production, impôts, consommation notamment), etc. Si l'on inclus, par exemple, le nombre d'années restant à vivre (l'âge moyen des morts par accident est d'environ quarante ans), la valeur de la vie croît avec l'âge avant de décroître vers la fin de la carrière professionnelle. La famille d'une victime âgée de 35 ans, mariée sans enfant salaire 10 000 $/an disparue dans l'attentat du World Trade Center a perçu la somme de 573 400 dollars (le Congrès a par ailleurs débloqué 45 billions de dollars pour engager les hostilités, soit la somme de 15 millions de dollars par victime).
La valeur d'une vie reste intimement liée à l'investissement que la société et/ou l'entreprise a placé en l'individu. La valeur économique de l'enfant qui est quasi nulle au départ représente un investissement pour le futur. L'État a subvenu à ses soins et à ceux de sa mère pendant ses premières années, a contribué à son éducation (allocations), à son instruction (Un bac +3 revient à 142 000 euros, somme à laquelle il convient d'ajouter 11 260 euros par année supplémentaire et 8000 euros/an supportés par la famille: hébergement, repas, fournitures, inscriptions). La durée d'études accomplie représente un coût pour les contribuables qui sont en droit d'attendre un retour sur investissement afin de venir contribuer à la redistribution vers la collectivité. Toute proportion gardée, le versement d'une rançon de 30 millions d'euros permet la formation de 130 docteurs en médecine qui sauveront des milliers de vie humaines. Il ne faut donc pas s'étonner d'entendre des économistes dire que les retraités, les femmes au foyer, les chômeurs, et les assistés, représentent une valeur négative (ils coûtent plus qu'ils ne rapportent).

L'argent vaudrait-il infiniment plus que sa propre valeur ? Un dollar dépensé aux États-Unis n'ayant pas la même valeur qu'en Afrique, il s'ensuit un effet pervers qui vient constituer un formidable démultiplicateur financier. On peut contester le système financier et la valeur monétaire, mais on ne lui a pas encore trouvé de substitut concret.

Il est vrai que la notion bonheur (apparue vers la fin du XVIII° siècle) et celle de la douleur des proches ne sont pas prises en compte dans le calcul de la valeur d'une vie humaine. Les familles, les associations, les médias qui s'en font l'écho et qui instrumentalisent la situation, semblent oublier qu'une démocratie se doit de privilégier l'intérêt général sur les intérêts particuliers, ou corporatistes. La faute, si faute il y a, en incombe-t-elle pas aux parties en cause ? Un accident de grande ampleur n'est jamais anodin et les acteurs forment une chaîne de responsabilité, le constructeur, la compagnie, la maintenance, les législateurs, les entreprises qui font voyager leurs personnels, les médias, etc.

Une dizaine de jours après la disparition énigmatique du Boeing 777, le porte-parole du Pentagone faisait savoir que les États-Unis avaient déjà dépensé 2,5 millions de dollars pour les recherches. La facture ne devrait pas être présentée à la Malaisie qui a délégué une partie de l'enquête à d'autres États : Chine, États-Unis, Australie, France, Japon. La France a ainsi mis des moyens satellitaires civils et militaires au service des recherches et envoyé 3 experts du Bureau d'enquête et d'analyse à Kuala Lumpur.

Le contribuable doit-il participer au coût de sauvetage pour récupérer un corps ou faut-il déléguer les conséquences induites aux compagnies d'assurance. A titre de "comparaison", les recherches du vol Rio-Paris ont coûté 35 millions d'euros à la France, dont la moitié a été financée par le constructeur Airbus et la compagnie Air France. Il est par contre impossible, en l'état, de chiffrer le coût que cela entraînerait si les circonstances de l'accident restaient non élucidées. Déterminer les responsabilités est important, mais découvrir les causes afin de prévenir de futurs accidents doit prévaloir.



mardi 11 février 2014

A PARAÎTRE     LES ARMES DU TERRORISME homicide - destruction - sabotage - clandestinité

La plupart de nos connaissances sur le terrorisme ou ce que nous croyons en savoir relèvent presque exclusivement d'un jugement de valeur à l'origine d'une suite de malentendus et d'idées toutes plus fausses les unes que les autres. Le terrorisme reste avant tout une méthode de lutte mise en œuvre par des combattant en civil.
Si nombre de livres sont parus ayant le terrorisme pour sujet, il serait plus juste de parler de terrorismes, pas grand chose sur l'aspect pratique et opérationnel n'a été rédigé, si ce n'est quelques rares titres dans les années soixante. L'auteur comble cette absence et nous livre un manuel de tactique, techniques & d'emploi du terrorisme, actualisé. Il s'agit rappelons le, d'informations destinées à des citoyens pleinement responsables et non d'une incitation quelconque à les reproduire.