samedi 20 juin 2020

Tir : pourquoi autant de positions ?


Selon les circonstances, la position de tir du : policier - gendarme - garde du corps - convoyeur de fonds - transporteur de valeurs - militaire - compétiteur - tueur à gage, etc., sapparente à différentes méthodes de tir. Le policier amené à riposter pour sauver sa vie va instinctivement se ramasser pour réduire sa surface exposée aux tirs et se devra à réagir vite, très vite. Dans certains cas (distance, surprise, angle de tir), l'agressé pourra se jeter au sol pour éviter d'être atteint ou pour améliorer sa précision de tir grâce aux appuis, dans dautres circonstances, il devra se déplacer, éclairer les lieux, voire monter à l'assaut pour déloger un Tango.

Pour l'officier de sécurité qui doit faire bouclier de son corps et retenir fermement son client ou le canaliser à l’aide de son bras faible, la seule position de tir acceptable reste une positon haute bien campée sur les jambes et à une seule main. Le tir à une seule main peut aussi s'imposer au transporteur de fonds ou au convoyeur de valeur qui tient à la main une mallette, à l'officier de sécurité porteur du triptyque (bouclier kevlar dépliable) et au tireur blessé à un bras ou une main. Par contre, en un autre emplacement dans le dispositif de sécurité, il devra peut-être appliquer les positions du tir dit de police, dans dautres il devra appuyer lévacuation de l'autorité et se replier avec le groupe évacuateur, c’est-à-dire continuer à se déplacer en tirant, ce qui est rarement le cas dun policier mais plutôt celui dun groupe dintervention.

La position de base du tir à une main sapparente à la position Fairbairn. Loriginalité de cette position pour l’époque (1920), était de nutiliser que la main forte, bras tendu à hauteur de l'œil, laissant le bras faible disponible. Charles Askins allait la développer durant la deuxième guerre, et à partir de 1942, le colonel Rex Applegate (qui deviendra plus tard le garde du corps du président Roosevelt) formera les hommes de lOSS (Official Strategic Services, l'ancêtre de la CIA) à cette position. En cas d’une menace surgissant dans le dos de l'autorité, l’officier de sécurité qui se tient légèrement sur le côté et l’arrière droit (épaulette) de celle-ci, le saisit au col de la main gauche, effectue un pivot vers l’extérieur de manière à venir se retrouver dos à dos avec l'autorité, la main droite tenant l’arme. Si la menace est très proche, l’arme est tenue au niveau de la hanche.

Cette position de tir se doit être maîtrisée par tout officier de sécurité. À noter qu'elle permet un engagement dans un secteur de 180°, environ, et qu'elle se transforme en position de tir à bras franc lorsque les épaules sont alignées avec le bassin. Elle pourra être aussi utilisée dans sa forme originale par un policier qui désire " figer " un individu. Pour ce faire, il le désigne de son bras faible pour quil ny ait pas de doute sur la personne concernée, et la " marque ". Cette position peut se combiner avec la positon que Massad Ayoob appelle  punch ”, légèrement modifiée. Le tireur est toujours bien campé sur ses jambes, mais la position est dérivée du karaté. Larme est puissamment projetée vers lavant pendant que le poing de la main faible vient contre la poitrine, comme dans un  tsuki  (shotokan). Cette position sera plus naturelle à un karatéka qu'à un pratiquant du noble art. Vous percevez tout l'intérêt dadapter une position à sa morphologie et tempérament.

POSITION WEAVER : cette position mise au point en Californie à Lancaster par le shérif Weaver en 1958, fut popularisée par le colonel Jeff Cooper des US marine corps qui l'enseigna dans son ranch de Gun site en Arizona. Cette position nest pas sans rappeler la position du tireur au fusil debout. Le corps au maximum à 35° par rapport à la cible, le bras faible légèrement plié, tandis que le bras fort est tendu (sans exagération). La tête légèrement penchée vers le bras fort peut prendre la visée. À linverse de la position Ayoob, cest la jambe forte qui est en arrière. Cette position à deux mains permet en absorbant le recul, de tirer avec un calibre puissant et à des distances appréciables de plusieurs dizaines de mètres. Cette position est avant tout dinitiative.

BODYGUARD STANCE : cette position ne sapplique que si le défenseur armé est au contact de lagresseur. Larme est tenue contre la hanche forte pour en éviter sa saisie, le corps légèrement de profil et jambe forte en arrière. La paume de la main gauche (pour un droitier) est violemment projetée dans le visage de l'agresseur. Si le tir s’impose, le tir est délivré lors de la frappe, et le tireur fait un « step back » afin de se tenir à distance, se mettre hors de saisie, et si nécessaire doubler le tir. Une variante de cette position peut être utilisée pour dégager un importun qui s'interpose entre le tireur et l'adversaire. Là encore, selon la position de départ, il peut y avoir des variantes. Si le fonctionnaire a les deux pieds au même niveau (hauteur ou profondeur), il va se cambrer pour porter l’"atémi" et tenir larme éloignée de lassaillant, position speed rock.

POSITION DE CÔTÉ : dans un lieu très encombré, dans un espace très réduit, le défenseur dispose d'insuffisamment de place ou d'espace pour délivrer un tir latéral, ou pour surprendre la victime. Le tireur adopte la position des « enfants sages », bras croisés. Le poignet droit venant se placer au creux du coude gauche, lavant bras droit soutenant le bras armé, la main gauche en cuillère placée sous le coude droit. Larme (position one, chargée et armée) est dirigée sur le côté gauche (pour un droitier). Par la simple rotation du corps, on peut engager une cible dans une zone d’environ 70°. La partie supérieure du bras gauche reste dans le prolongement du corps pour protéger le flanc, certains gilets pare-balles n'offrent quasiment aucune protection costale ! Une variante (Charrière) place le bras armé sous l'avant bras : dégainé, armement de la culasse, glissement de l'arme sous l'avant bras faible.

LE CROUCH : position de riposte popularisée par le lieutenant Mac Gee en 1974 qui a été adoptée par de nombreux policiers. Lorsquun coup de feu retentit, toute personne a tendance à se tasser sur elle-même pour réduire sa surface exposée. Le tireur se tasse à la verticale en écartant une jambe, ce qui lui permet de se retrouver dans la position dun cavalier qui sans monture. Il faut impérativement garder les genoux à lintérieur (important en cas de chute). Cela faisant, on abaisse son centre de gravité, augmente sa stabilité et réduit sa silhouette. En tir de riposte à courte distance, le tireur naligne pas larme à hauteur des yeux. Pour une distance moyenne, le tireur peut prendre sa ligne de vissée pendant quil pousse et monte son arme. Si le tireur maîtrise le tir à genoux, rien ne soppose à passer dune position à lautre pour engager sur les côtés (raison des genoux en dedans). À noter que le tireur peut couvrir un secteur de tir de 180°, l'arme tenue à deux mains, et 90° supplémentaires, l'arme tenue à une seule main.

POSITIONS A GENOUX : cette position réduit encore plus la surface exposée, permet un tir plus précis, et de couvrir l'autorité dans un coin. Le tireur se doit de privilégier la position à genoux isocèle. Le genou fort est au sol à la hauteur du talon de lautre pied (sans s'asseoir dessus), le corps de face (Ne pas être assis facilite les déplacements à genoux comme dans l’aïkido). Le tireur peut enchaîner, un « crouch » et se remettre à genoux de lautre côté pour engager sur 180°. Cette position est moins verrouillée que la Weaver à genoux (assis sur la cheville, corps de biais, coude gauche appuyé sur le genou droit) qui offre une surface plus exposée. Se soyons pas dogmatique, rien ne soppose à un enchaînement de positions. Il suffit en partant de la position à genoux isocèle de s'asseoir sur le talon (ce qui nécessitera plus de temps pour se relever). Pour mettre un genou " en terre ", il y a plusieurs méthodes. Reculer et plier progressivement la jambe droite pendant le fléchissement de la gauche. Aucune main ne vient se poser sur le sol. Une fois suffisamment accroupi, se laisser choir sur son fessier droit.

POSITION ASSISE : position qui permet en cas dabri restreint, de protéger un tiers. La maîtrise consiste à s'asseoir rapidement sur les fesses, les deux jambes ramenées vers l'entre jambe protègent une partie du thorax, les deux coudes ou avant-bras reposant sur les genoux, larme alignée avec les yeux de façon à former un triangle stabilisateur. La position permet un tir ajusté jusqu’à une cinquantaine de mètres. Là encore, certains tireurs mettent une main au sol pour prendre cette position. Espérons pour eux quil ny a pas dexcréments dans le coin. Il faut fléchir au maximum sur les genoux, le corps restant bien droit afin de conserver sa stabilité sans rompre le centre de gravité, et venir poser les fesses au sol. Si vous restez accroupi, vous avez adopté sans le savoir la position « Afghane » ou « chier dans les bois ».

LA GRENOUILLE CREVÉE : position dérivée de la précédente. Elle sera prise par le défenseur surpris par une attaque soudaine, par exemple une porte qui souvre sur un homme armé (un APR abattu n’est plus d’aucune utilité dans le dispositif, et si celui-ci a pourtant intégré l’éventualité d’être touché, cela n'en fait pas pour autant un kamikaze). Pour ladopter, il faut faire le cobra, technique de penchak silat (Maître Charles Joussot). Vous croisez les deux jambes rapidement au niveau des chevilles, et vous descendez (toujours à la verticale) pour venir poser vos fesses au sol. Vous vous allongez ensuite sur le dos (les omoplates doivent bloquer le mouvement vers larrière) en ouvrant les cuisses sans décroiser les chevilles. Ainsi allongé sur le dos, les deux bras tendus tenant larme au niveau de lentrejambe, vous pouvez riposter. Les chevilles doivent protéger le sacrum et non être au-dessus, ce qui vous obligerait à creuser votre dos, diminuant ainsi votre stabilité et qui risquerait de vous faire courir le risque dune blessure grave, voire mortelle.

Cette technique peut se révéler utile après une chute sur le dos ou pour l'enchaîner derrière un « crouch ». Vous devez être capable de vous relever de la même façon, c’est-à-dire sans décroiser les jambes. L'autre avantage de cette position, sa rapidité pour engager un tir sur l'arrière à 180° ! De la position verticale, vous faites un pivot vers l'arrière sans déplacer les pieds, ce qui a pour résultat de croiser vos jambes naturellement. Il ne vous reste plus qu'à descendre en accomplissant un mouvement en tire-bouchon pour vous retrouver dans la position de la « grenouille crevée » vers larrière !

TIR COUCHÉ : technique utile pour votre défense personnelle ou pour couvrir un tiers lors dun placage au sol ou dune " tortue " (plusieurs APR s'allongent sur l'autorité). Optez de préférence pour un repli de terrain (un simple caniveau fera laffaire). Cette position permet un tir ajusté à une cinquantaine de mètres et réduit considérablement la surface exposée aux tirs adverses. La position allongée sur le ventre, cou redressé, est très inconfortable pour les vertèbres et la respiration. Lui préférer la position de Ray Chapman (champion IPSC) qui ressemble un peu à la position du tireur couché au fusil. Le corps repose de profil sur le côté fort, les deux bras tendus vers lavant, larme ne touchant pas le sol. La jambe gauche est pliée et le cou de pieds vient se placer dans le creux poplité du genou droit (pour les gauchers, il faut inverser les mouvements décrits). Là aussi, nallez pas mettre une main au sol pour vous y aplatir ! Je sais, ils sont nombreux à le faire, mais vous devez par la maîtrise des chutes apprendre à vaincre cette appréhension du contact avec le sol. Pliez les genoux, tassez-vous et portez lépaule droite au sol. Rien de plus simple, et ce qui ne gâche rien, plus rapide. Cette position peut aussi venir s’imposer par la prise de la position de la « grenouille crevée » quune chute sur lavant vient compromettre. En combat, vous pouvez déverrouiller votre jambe et rouler sur un côté ou sur lautre pour vous déplacer. Lorsque vous replacerez votre cou de pieds au niveau du genou, la rotation s'arrêtera et la stabilité sera acquise.

Je me suis limité à la douzaine de positions les plus utiles pour le tir de défense ou de combat pouvant être enchaînées. Quelle que soit la position, haute, médium, basse, l'arme doit pouvoir être toujours pointée en direction de la menace, d'en suivre le déplacement latéral sur 360 degrés et en hauteur (limite des articulations et du champ visuel). Cela requière d'être capable d'enchaîner ces différentes positions ; c’est le corps et non seulement les bras qui font office de « plate-forme » de tir. Travaillez toutes les positions sans jamais rester statique. Déplacez-vous : avant, arrière, latérale, enchaînez les positions.


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vendredi 8 mai 2020

Armement : les armes légères



La catégorie des armes légères englobe toute arme individuelle ou collective qui peut être transportée et utilisée par un homme seul ou par un petit groupe. «les armes légères, bon marchés, faciles à utiliser, à dissimuler, à transporter, alimentent de nombreux conflits régionaux armés et favorisent le crime organisé ainsi que le terrorisme. (...) Plus de 80 millions d'armes légères en circulation dans le monde sont responsables de 90 % des victimes des conflits armés ».

L'arme à tir courbe (la bombarde utilisée pour la première fois en 1454 lors du siège de Constantinople) permet d'atteindre un objectif entouré par des obstacles le protégeant d’un tir direct. La plus connue est sans conteste le mortier, une pièce d’artillerie dont la caractéristique est de pouvoir tirer un projectile sous un angle de plus de 45° dont l’angle de chute approche la verticale. Le fait pour le projectile de pouvoir passer par dessus les obstacles environnants séparant le poste de tir de sa cible, nécessite une certaine hauteur qui est fonction de la distance des obstacles. Cette trajectoire de sécurité correspond à environ 100 mètres de hauteur pour une distance de 100 mètres et à 300 mètres de hauteur pour une distance de 400 mètres.

Les mortiers sont classés en trois catégories selon leur diamètre : mortier léger (40 à 60 mm), moyen (70 à 90 mm) et lourd (120 mm) ; la longueur du tube varie de 10 à 20 fois le diamètre. Un mortier de 60, une douzaine de kilos, peut expédier un obus de 1,5 kg à 1600 mètres, un mortier de 81 mm tire jusqu'à 4.700 mètres, quant à celui de 100 il tire un obus de 7 kilogrammes à 10 kilomètres. Le mortier se compose de 3 parties : le tube à âme lisse qui reçoit le système de pointage est supporté par un bipied et une lourde plaque de base pour prévenir l’enfoncement de la pièce dans le sol. L'arme chargée manuellement par la bouche tire un projectile subsonique stabilisé par un empennage, cadence de tir ? une quinzaine de tirs minute. Le mortier commando (50 mm) d'un poids d'une dizaine de kilos utilisable par un seul homme tire un projectile à 1000 m (charge 2). A mentionner le mortier à main israélien de 2 pouces d'un poids de 8 kg, portée 130 - 420 m, conçu pour l'appui rapproché.

Le projectile agit par l'effet de souffle dû à la déflagration de la charge et par éclats suite à la rupture de l’enveloppe. L’effet de souffle a une efficacité relativement faible sur le personnel, par contre l’effet dû aux éclats a une grande efficacité contre les personnes. Lorsque l’obus éclate au sol, son efficacité et sa zone meurtrière dépendent de l’angle d’impact et de la nature du sol puisqu’une grande partie de l’effet de souffle passe trop haut ou trop bas. Un projectile arrivant avec une trajectoire verticale permet une meilleure répartition de la fragmentation. Pour un obus de 81, la zone dangereuse couverte est d’environ 40 mètres. Pris sous un tir de mortier il ne faut surtout pas chercher à courir mais immédiatement se plaquer au sol. Les éclats d’un obus se repartissent en trois gerbes : la gerbe d’ogive peu dense projetée vers l’avant - la gerbe de culot qui projette de gros éclats peu nombreux sur arrière - la gerbe latérale, la plus importante, constitue une nappe perpendiculaire à la trajectoire.

Le nombre restreint de pièces composant un mortier et sa simplicité en font une arme facile à transporter et à mettre en batterie. Une équipe peut lancer une dizaine d’obus, démonter l’arme et quitter les lieux avant même que le dernier obus atteigne sa cible. Il est également peu coûteux et facile à construire. Cet aspect d’arme rudimentaire avait séduit des membres de l’IRA qui fabriquèrent un mortier multitubes monté sur un véhicule et leur permit de commettre l’attentat de Newry (28-2-85). Les projectiles étaient des bouteilles d'oxygène bourrées de 20 kilos d’explosif !

Durant la première Guerre Mondiale, la grenade était dévolue aux actions de : défense et combats dans les tranchées ou boyaux - nettoyage pour éliminer toute résistance - exécution de coup de mains - piégeage pour retarder ou désorienter l’ennemi. Une grenade ne peut être lancée à la main qu’à une distance modeste, même si l’on gagne en distance avec une grenade à manche, la distance de jet peut se révéler trop courte pour certains usages. La zone vulnérante des éclats est d’une vingtaine de mètres tandis que les éclats sont dangereux jusqu'à une centaine de mètres. Comme le lanceur moyen lance sa grenade à 30 mètres, il se doit d'être à couvert (on peut la lancer plus loin en la fixant au bout d'une cordelette que l'on fait tourner à la manière d'une fronde avant de tout lâcher). Si l’on désire un jet de plusieurs centaines de mètres on utilise un lance-grenade.

L'intérêt majeur des : « grenades à fusil ou encartouchées est de pouvoir disperser instantanément un nombre important de projectiles dispersés sur une zone d'environ une dizaine de mètres de rayon (nda : AP/AV 40), zone qui nécessiterait plus d'un chargeur de FA pour être traitée », ou de percer le blindage (100 mm ou 360 mm de béton) d'un VAB distant de 100 m. Si la munition tirée crible de projectiles une large zone même avec une précision amoindrie, elle peut aussi permettre de retourner la situation. Des terroristes se sont révélés très ingénieux en utilisant un lanceur pour ball-trap, une arbalète, un fusil harpon, un lance-fusée ou un lance-amarre, certains ont fabriqué des propulseurs avec un fusil de chasse et une cartouche débarrassée de ses plombs...

Au mois de février 1915, les Allemands furent les premiers à utiliser un lance-flammes contre les positions françaises à Mélancourt ! L'arme destinée à accompagner l'assaut de l'infanterie comportait deux réservoirs cylindriques, l'un rempli d'un mélange inflammable, l'autre de l'azote sous pression (gaz propulseur), un allumeur enflammait le jet liquide à la sortie de la buse. Cette arme individuelle d'un poids d'une vingtaine de kilogrammes capable de brûler vif les hommes, de consommer l'oxygène d'un local, de détruire les matériels et de bouter l'incendie à des structures a une portée d'une vingtaine de mètres (le vent affecte les conditions d'utilisation), distance qui passe à soixante mètres avec l'ajout d'un gel épaississant au fuel. Une capacité de 17 litres permet trois ou quatre tirs ou 7 secondes environ et en continu. Le combustible épais (napalm), difficile à éteindre, peut s'infiltrer par les petites ouvertures et « colle » sur sa cible. Cette arme facile de fabrication interdite par la Convention de Genève est encore parfois rencontrée...

Le Lance Roquette Antichar (bazooka, RPG, LAW, Carl-Gustav, etc.) tire une roquette à charge creuse guidée par un tube. Le LRAC se compose : d’une enveloppe - d’un dispositif d'amorçage - d’un dispositif de propulsion. Le dispositif d'amorçage est constitué par une fusée qui peut être à fonctionnement : instantané (percutante) - à temps - de proximité - à double effet : percutante et fusante. Cette arme épaulable est dérivée du canon sans recul, le principal obstacle à vaincre pour l'adapter au Combat Rapproché Anti-Char fut de parvenir à compenser le recul de l’arme, plus le projectile est lourd, plus la vitesse initiale doit être élevée, ce qui entraîne un recul (loi de Newton sur l’action et la réaction). La première idée qui vint à l'allemand Krupp en 1930 fut de compenser ce recul par un second projectile s'échappant sur l'arrière, idée abandonnée le jour où l’on découvrit qu’une masse de gaz à grande vitesse s'échappant sur l'arrière du canon (effet Venturi) pouvait venir remplacer le second projectile, principe appliqué sur les Panzerfaust.

Le RPG 7 qui pèse 7 kilogrammes pour une longueur inférieure à un mètre est capable de tirer 5 coups par minute ; porté 500 mètres (le 14-9-81 des membres de la RAF ont tiré une roquette contre la voiture du général Frederick Kroesen, le commandant des forces Américaines en Allemagne). Le LAW qui est télescopique pour réduire son encombrement est à usage unique (le combattant peut en transporter plusieurs). Le mode de mise à feu électrique rend facile la construction d’un tube lanceur ou d’une rampe de guidage ; les activistes utilisèrent durant la guerre d'Algérie, une gouttière calée avec un tabouret pointée en direction du bureau du général Salan, la ligne électrique pour la mise à feu passait dans la cage d’escalier.

Quel qu'en soit le type, des impératifs de tir sont à respecter :
· un tir en relevant la bouche de l’arme peut présenter des risques pour le servant, flamme arrière déviée par le sol ;
· le tireur se doit à disposer de quelques mètres libres dans son dos afin de permettre l'échappement des gaz ;
· l’obstacle arrière risque d'entraîner le rebondissement de la capsule et du couvercle de fermeture éjectés lors du tir ;
· la hauteur sous plafond doit être supérieure à deux mètres ;
· si le volume du poste de tir est inférieur à une vingtaine de mètres cubes, il ne faut pas effectuer plus de trois tirs à intervalles très brefs (risque d’intoxication).

L'autre reproche à l'égard du LRAC tient au fait qu'après le lancement, la roquette n’est plus guidée, c’est la différence avec un missile dont l'évolution est corrigée à distance (filoguidé) ou qui se dirige sur une source de chaleur de façon à atteindre plus sûrement l’objectif. Un lance missile épaulable : SA-7, Stinger, etc., représente une sérieuse menace contre les blindés et les aéronefs volant à base altitude. Autres armes pouvant être mises en œuvre par une personne seule, les pièges, les mines et les engins téléguidés. Le « leichter Ladungsträger » (véhicule léger de démolition) filoguidé propulsé par un moteur électrique et construit à près de 2.000 exemplaires à partir de 1942 connu sous le nom « Goliath » ou « Gerät 67 », transportait une charge de 80 kg d'explosif et pouvait parcourir une distance de 1.500 mètres à la vitesse de 100 km/h. Ironie de l'histoire, cette arme fut dérivée directement d'un prototype réalisé par le Français Kégresse, prototype récupéré par l'occupant dans la Seine au mois de juillet 1940 !


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vendredi 1 novembre 2019

Les débuts du parachutisme militaire français (1915-1946)

Le premier saut militaire français fut accompli par Constant Duclos le 17 novembre 1915 à partir d'un ballon et d'une altitude 1.000 mètres avec un parachute Bonnet (85 m2). Ce fusilier-marin allait effectuer 23 sauts afin de démontrer aux aérostiers et aux observateurs aériens la fiabilité du parachute. Au mois de septembre 1918, le commandant Evrard « arrache » à l'État-major la création d'une équipe de 8 parachutistes pour faire sauter une ligne de chemin de fer et des centrales électriques dans la vallée de la Meuse. La fin du conflit va rendre cette mission caduque. La Première Guerre mondiale terminée, le parachute a sauvé la vie à plus d'une centaine d'aérostiers ! Si le premier saut en parachute à partir d'un aéroplane en vol a eu lieu le 1 mars 1913 à Saint-Louis (Missouri) d'une altitude de 500 m, capitaine Albert Berry, les pilotes de la Grande Guerre n'en furent jamais équipés !
Le 10 juin 1929, un sous-officier appartenant au 33° Régiment d'aviation saute lors d'une fête aérienne à Mayence en présence des troupes alliées. L'année suivante, un stick d'une dizaine de parachutistes est largué derrière le dispositif ennemi au cours des grandes manœuvres, mais l'État-major français ne croît guère aux possibilités de cette nouvelle technique aéroportée. En 1935, la France n'excluant pas la possibilité d'un nouveau conflit avec l'Allemagne, l'État-major expédie trois officiers en URSS dans le cadre d'un rapprochement Franco-Soviétique avec pour mission d’étudier le parachutisme militaire soviétique appliqué au sauvetage individuel des aviateurs en difficultés. Pour en être breveté, il faut accomplir 12 sauts, le premier en ouverture automatique (OA), les huit suivants en ouverture commandée (OC) et les trois derniers en ouverture retardée (OR) de 3", 5" et 8 secondes.
Le capitaine Geille est chargé le 12 septembre 1935 de créer le Centre d'Instruction de Parachutisme. Selon la directive du ministre de l'Air : « il s'agit de former les futurs cadres qui seront ensuite chargés de l'instruction du personnel naviguant ». Fin 1935, une centaine de stagiaires provenant pour partie de l'armée de l'Air et de l'Aéronavale est rassemblée à Avignon-Pugaut. Le Centre dispose de deux appareils, un Lioré & Olivier 20 et un Potez 25, les « pépins » sont des Irvin type X (à voile d'abord de 58 m2, vitesse de descente 7 m/s) qui ont subi une série d'essais au Service technique de l'aéronautique à Garches. Le 20 mars 1936 douze élèves sont brevetés moniteurs.
En octobre 1936, le ministre Pierre Cot signe le décret officialisant la formation d'unités parachutistes, les Groupes d'Infanterie de l'Air. Les GIA sont : « destinés à transporter par avion et à débarquer par parachute en territoire ennemi des détachements d'infanterie ». Le premier stage, d'une durée de trois mois, regroupe une trentaine d'hommes qui va former l'ossature de l'instruction. Le brevet N°1 fut remis début février 1937. Pour être breveté parachutiste, il faut accomplir douze sauts d'une altitude de 600 mètres. Au mois d'avril, la promotion suivante saute d'un Potez 650, un aéronef capable d'emporter 16 « paras ». Lors de la fête de l'air à Villacoublay, les visiteurs sont stupéfiés, quarante parachutistes semblent « flotter » dans le ciel !
Au cours des grandes manœuvres de l'été 1937, deux cents parachutistes s'emparent du pont Mirabeau et quelques semaines plus tard d'un poste de commandement divisionnaire et à en capturer le général et son état-major. La France dispose alors du 601° GIA créé le 1 avril 1937 à Reins et du 602° en Algérie. L'URSS dispose elle de 36.000 parachutistes regroupés en unités de 500 hommes, les instructeurs sont formés à Touchino, les Allemands disposent eux du 1er régiment de fallschimjager qui sera bientôt suivi d'une division de chasseurs parachutistes. En 1938, un Français, le sergent-chef Fritz, enchaîne 12 sauts en 1h35 et le commandant Geille accompli un saut d'une altitude de 35 mètres avec un parachute à voile d'abord (suspentes d'abord = avion rapide).
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, l'arme parachutiste n'est pas opérationnelle. Les parachutistes vont constituer quatre Groupes Francs et se battre dans les Vosges aux côtés des Chasseurs Alpins. Les deux GIA sont dissous par Vichy. Le 25 juin, le capitaine Bergé qui a réussi à s'évader et à rejoindre Londres, demande audience au général de Gaulle. Il est convaincu de la nécessité de la création d'une unité parachutiste de la France Libre. Reçu par Passy au mois de juillet, celui-ci lui demande de rédiger une note de synthèse. Il s’agit de créer une compagnie parachutiste rattachée à l'armée de l'Air et orientée vers deux types d'activités, les missions individuelles destinées à la recherche du renseignement et les missions collectives avec des coups de main sur les arrières de l'adversaire en territoire occupé. Après lecture du mémorandum, le général de Gaulle donne son accord. Le 15 septembre 40, la 1° compagnie d'Infanterie de l'Air de la France Libre est portée sur les fonds baptismaux, elle est composée de deux officiers, quatre sous-officiers et de vingt hommes du rang.
Le premier agent français est largué dans les environs de Fontainebleau au clair de lune dans la nuit du 20 au 21 octobre 1940 afin d'évaluer la possibilité de l'implantation d'un réseau. Le mois suivant, la compagnie rejoint le centre parachutiste de Rinway pour y suivre un stage d’une durée de deux semaines. Pour en recevoir le brevet, il faut accomplir six sauts en ouverture automatique, le premier s'effectuant par la trappe d'un bombardier Whitley. Autre particularité, le parachutiste n'emporte pas de ventral (parachute de secours) ! Les premiers volontaires français reçoivent leur brevet britannique à Noël.
Dans la nuit du 16 mars 1941, cinq parachutistes de la France Libre sautent au-dessus de la Bretagne occupée. La mission « Savanna » consiste à attaquer, par surprise, un car circulant sur la route de Vanne en direction de l'aéroport de Meuçon avec à son bord des observateurs de l'armée allemande. Ces observateurs sont tous des spécialistes de la navigation aérienne de nuit, ils sont chargés de tracer la route aux bombardiers qui ensuite déchargeaient leurs cargaisons de bombes incendiaires sur Londres ! Suite à une erreur de largage, l'équipe se retrouve à une dizaine de kilomètres de la Dropping Zone (zone de saut) prévue ! Après 72 heures de surveillance, les hommes qui transportent chacun 10 kilos d'explosif doivent se rendre à l'évidence, l'autocar n'emprunte pas ce tronçon d'itinéraire. Ils ignoraient alors que le renseignement de l'Intelligence Service datait du mois de janvier et il était pé-ri-mé !
L'agent largué en territoire occupé est vêtu d’une combinaison de saut et emporte : des faux papiers d'identité - une dague commando - des rations - une lampe torche - une trousse de premiers secours - une carte d'évasion - ainsi qu'une minuscule boussole. Parvenu à proximité de la DZ, l'agent s'assoit au bord du puits de largage, les jambes dans le vide, et au signal lumineux se laissait glisser hors de l'appareil d'une hauteur d'environ 500 pieds (environ 150 mètres). Pas question en opération pour le largueur de « balancer » un mannequin dériveur qui permet d'estimer le point de largage ou point théorique d'ouverture. Le Siki ou Sikki et sur lequel beaucoup de passionnés s'interrogent..., est apparu dans les années vingt au Service Technique d'Aéronautique lors des tests du parachute de la société Blanquier. Pour s'affranchir du Sikki, on calcule la longueur de la DZ avec la formule D = R.T : D correspond à la distance en mètres - R à un rapport liée à la vitesse de l'avion (V. 0.51) - T la durée. Supposons que la mission consiste à larguer un stick de 12 parachutistes à partir d'un appareil volant à 110 nœuds (185 km/h). Sachant qu'il faut 6 secondes pour que les 12 parachutistes quittent l'avion, la DZ devra avoir une distance de 336 mètres (110 nœuds x 0.51 x 6) à laquelle on ajoute par mesure de sécurité, 100 mètres à chaque extrémité de la DZ.
Lors de sa descente, le parachute subit la force du vent, d'où une dérive latérale. La vitesse du vent ne doit par ailleurs pas dépasser certaines limites, en temps de paix et selon qu'il s'agit d'un saut sur terre, sur mer, ou d'une charge, la vitesse maximum au sol varie de 13 à 17 nœuds (30 en altitude). Il faut donc prendre en compte l'influence du vent : D = K.A.V, ou K correspond au coefficient de finesse de la voile (parachute), il vaut environ 4 pour un parachute standard (il peut atteindre 10 pour les voiles à caissons) - A est l'altitude en pieds - V la vitesse du vent en nœuds (1.852 m). Prenons les valeurs suivantes : vitesse du vent 10 nœuds et altitude de 800 pieds (D est égal à 328 mètres 4 x 8 x 10), si le vent souffle du sud-est, un premier point est tracé dans cet axe et à une distance de 328 m.
« Le stage qui dure 2 ou 3 semaines en 1940-41 pour effectuer 6 sauts, sera réduit à une semaine et à quatre sauts dont un à partir de ballon et un saut de nuit » (Franck Lambert). Au mois de juillet 41, la compagnie est divisée en deux pelotons, vingt-cinq parachutistes partent pour Exbury y suivre un stage d'agent de renseignement avant leur affectation au BCRAM dirigé par le colonel Passy. Le second peloton qui a reçu une instruction commando va donner naissance à la 1° compagnie de chasseurs parachutistes de la France Libre et rejoindre le Special Air Service en Égypte en fin d'année. Le French SAS va détruire 38 avions en Cyrenaïque et participer à un raid contre l'aéroport d'El-Alamein en juillet 42. Dans la poche d'André Zirnheld, un parachutistes de la France Libre tué au combat en Lybie, un texte, celui-ci va devenir « la Prière du parachutiste ».
La capacité à ravitailler une armée combattante en vivres, munitions et équipement reste un élément essentiel logistique, une division par exemple, a besoin de plusieurs milliers de tonnes/jour ! Lors du premier trimestre 1942, les forces allemandes sont bloquées par l'Armée rouge près de Kholm par une température de - 30°C ! Pendant près de trois mois, des Junkers vont leur aérolarguer des vivres, des munitions et des médicaments indispensables à la poursuite des combats. Les premiers ravitaillements parachutés franco-anglais eurent lieu sur la Somme et la Marne au cœur de l'été 1918.
Lors du débarquement en Normandie, les parachutistes de la 1° Armée aéroportée alliée, la plus grande formation de l'histoire, s'emparent des points névralgiques (les Allemands furent les premiers à utiliser les troupes aéroportées massivement au mois de mai 1940 lors de l'invasion des Pays Bas. Celui en Crête fut un échec, Hitler déclara : « l'ère des troupes aéroportées est terminée »). La guerre terminée, les parachutistes sont rattachés à l'armée de Terre, l'École des Troupes Aéroportée (ETAP) ouvre ses portes en 1946 dans la région de Pau. Le Brevet Militaire Parachutiste (une qualification Interarmées) est créé le 1 juin. Le général De Lattre impose en 1947 le béret amarante «couché» à gauche, la légion reste fidèle au béret vert ainsi que les commandos marines, mais «couché» à droite (à la britannique) pour ces derniers. Une base de données contenant 600.000 dossiers d'agents de la FL, de résistants et internés est disponible à l'adresse : 
https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/arkotheque/client/mdh/base_resistants/index.php. 
NdA : certaines précisions varient selon les auteurs, les sources et les époques... J’ai pris cependant le parti, comme d'habitude, de les maintenir non pour faire œuvre d’historien, ce que je suis pas, mais uniquement servir de jalons ou de repères.

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lundi 22 janvier 2018

Les fraternités (mafias) russophones


Le 16 novembre 2017, une opération policière en région île-de-France a permis l'interpellation de 37 Géorgien(e)s soupçonné(e)s d'appartenir à l'organisation criminelle « Vory v Zakone », la saisie de 70 000 euros en espèces, des Mercedes, BMW, Audi Q7, des armes, et le blocage de 200 000 euros sur des comptes bancaires, actes judiciaires clôturant 18 mois d'enquête. L’argent liquide servait à payer des comparses, à financer des transactions illégales, et des entreprises en rapport avec le secteur du bâtiment dirigées par des russophones se chargeaient d'établir de fausses factures, de déclarer des employés fictifs, et de rémunérer des ouvriers au noir. Le préjudice est estimé à plusieurs millions d'euros !

L'arrivée de cette criminalité inquiète toutes les polices d'Europe, et le citoyen est en droit de s'interroger sur l'inconséquence de nos hommes politiques. Chaque arrivée massive entraîne une nouvelle criminalité, et personne au niveau de l'État n'a l'idée de consulter des sociologues, des ethnopsychiatres, etc., sur la mentalité nationale des demandeurs d'asile ! Le quai d'Orsay a-t-il mis le gouvernement en garde lorsque le parlement géorgien a voté une loi d'amnistie (2012) entraînant la libération de plusieurs milliers de détenus et le limogeage de 300 fonctionnaires du ministère de l'Intérieur, véritable déferlante de malfaiteurs qui a attiré d'autres clans caucasiens ? On estime à 70 000 le nombre de russophones (200 000 avec leur famille) qui sillonnent l'Europe. En 2013, les russophones étaient les deuxièmes demandeurs d'asile dans l'Union Européenne à l'échelle mondiale derrière la Syrie.

La Rivièra franco-italienne qui s'étend sur quelques centaines de kilomètres avec ses casinos, son hôtellerie de luxe, ses boites de nuit, sa population huppée et à l'immobilier recherché a de quoi retenir leur attention. Nice concentre plus de 20 000 Russes (nombre qui englobe les ressortissants des anciennes républiques ayant demandé le passeport russe) sur les 90 000 établis en France, chiffre auquel il convient d'y ajouter les nombreux russophones des ex-républiques sans parler des touristes qui y débarquent et des pendulaires. Le 18 mars 2010, un vor qui sortait d'une villa louée sous un nom d'emprunt dans la région marseillaise flanqué de ses deux gardes du corps, fut abattu de sept balles. Ce membre proche du clan de Koutaïssi avait échappé aux tueurs deux mois plus tôt, en s'enfuyant par la fenêtre d'un appartement niçois...

Le crime organisé en Russie a commencé à l'époque impériale des Tsars. Au XVIII° siècle, les bandits de grands chemins qui s'en prenaient aux biens de l'État pour en redistribuer une partie aux pauvres étaient considérés comme de véritables héros populaires. Le temps passant, ces bandes vont édicter un code de conduite reposant sur la fidélité entre ses membres et une opposition farouche au gouvernement. Cela allait donner naissance dans les années vingt au « Vory v zakone » ou « voleurs dans la loi », qu'il faut interpréter comme la loi propre à cette pègre et non le Code pénal... Cette grande pègre allait se distinguer par un argot (Fenya) que l'on retrouve au sein des services secrets (toit, couverture, torpédo, cordonnier, etc.), des tatouages très particuliers indiquant le rang de son porteur au sein de l'organisation, et une certaine forme d'organisation (cellules pyramidales en grappe).

Les « vory » (vor est le singulier pour voleur) ne doivent entretenir aucun lien avec les représentants du gouvernement ou de ses institutions, hors de question de servir dans l'armée, de coopérer avec le personnel de la pénitentiaire, ou tout simplement appartenir à un organisme communautaire. Avoir purgé plusieurs peines d'emprisonnement est un plus (le tatouage est alors surmonté d'une couronne, et le nombre de dômes indique le nombre de séjour pénitentiaire). Le « vor » se doit de renoncer à une vie familiale normale, à travailler, et à être propriétaire. Sa seule source de revenus doit provenir d'activités délictueuses... L'entraide est la base de la cellule, le « vor » loge chez le menu fretin, conserve le secret, ne s'adonne pas à la boisson ni au jeu (risque de compromission), et aide les autres « vory » dans le besoin. Le « vor » est un macho, les « Ponyatiya » (règles de conduite) n'autorisent pas le mariage. Si le « vor » peut avoir plusieurs maîtresses, il ne doit ni pratiquer le cunnilingus ni avoir d'enfant. Le « vor » qui trahit ses comparses pour une femme est méprisé et châtié. Cette série de préceptes datant de l'ère soviétique a aujourd'hui presque totalement disparu, et le mélange des genres est devenu monnaie courante. Le « vor » moderne préfère se vêtir de façon neutre, mais, sous le costume sur-mesure d'un maître tailleur, il reste un macho absolu et un fléau pour les polices occidentales.

La structure originelle reposait sur un « parrain » (Krestnii Otets) qui supervisait une « bratva » (brigade) comprenant quatre cellules d'une sizaine de Boyeviky (guerrier) et de « Shestyorkas » (associés, hommes de main), chacune disposant à sa tête d'un « Avtoritet » (l'Autorité). Chaque cellule était placée sous le contrôle de deux « observateurs », un groupe renseignement et un groupe de sécurité composé de « Shestyorkas » chargé d'assurer la couverture (la structure ressemble à un groupe militaire ternaire). Le « kaznachey » (le trésorier du groupe) collectait les revenus du crime et percevait l'« Obshchack », la dîme que les voleurs se devaient de reverser aux « vory v zakone » pour alimenter une caisse d'entraide destinée aux vory emprisonnés. La société de vory ne se cantonnait pas à la Russie, elle s'étendait à : l'Arménie - l'Azerbaïdjan - la Tchétchénie - la Moldavie - la Géorgie - l'Ukraine - Arménie - Kirghizstan - Ouzbékistan - Abkhazie - Ingouchie. Le NKVD (l'ancêtre du KGB) avait réussi à neutraliser ces bandes ethniques, mais en usant de méthodes que réprouveraient tous les États démocratiques.

Lors de la Seconde Guerre mondiale, Staline promit la liberté aux prisonniers qui acceptaient de rejoindre l'Armée rouge, attitude allant totalement à l'encontre de l'esprit des vory qui ont prêté serment de refuser toute faveur aux officiers, gardiens de prison. Un grand nombre allait cependant affluer, certains dans le dessein de contribuer à l'effort de guerre, d'autres de déserter. La guerre terminée, les vory reprirent leurs affaires et connurent de nouveau le camp de travail. Ceux qui avaient accepté de se joindre aux combats étaient considérés comme traîtres par leurs « frères » et désignés sous le nom de « Suka » (salope). Les gardiens des goulags (camps de travail) incitaient les différents groupes à s'étriper entre-eux afin de réguler la population carcérale avant qu'elle ne soit scindée en deux groupes, les « Suka » et les vory. Les luttes faisaient chaque jour plusieurs morts et les vory inculquaient leur mode de pensée et de fonctionnement aux autres détenus. À la mort de Staline, ce fut près de huit millions de détenus qui sortirent des goulags ; nombreux furent ceux à avoir adopté l'esprit des « Suka », prêts à collaborer avec les membres du gouvernement. La corruption allait se répandre parmi la classe des fonctionnaires, la future nomenklatura.

Dans les années 1970-1980, des pans entiers de l’économie souterraine étaient contrôlés par les apparatchiks et autres dignitaires soviétiques. L'ouverture souhaitée par Boris Eltsine allait donner naissance à une nouvelle typologie criminelle. Des membres du KGB, du GRU, de l'Armée rouge et de hauts-fonctionnaires vont à leur mise en congé, se tourner vers les milieux criminels et contribuer à dépouiller le pays pour leur seul profit et intérêts personnels. Les conflits entre « familles » ne sont plus réglés par le « parrain » et la règle du chacun pour soi prévaut. La privatisation « sauvage » de pans entiers de l'industrie russe a permis à certains d'engranger des sommes colossales estimées à près de 50 % de l'économie ayant entraîné une chute du PIB de 46 % sur cinq ans ! « Cela ne leur a pas suffi, ils ont jeté leur dévolu sur les ressources naturelles, le patrimoine national », et d'avoir recours aux fraternités criminelles pour assurer leur protection, au point qu'ils finirent par entrer en concurrence économique avec leurs complices et protecteurs !

L'ouverture des frontières et la possibilité de voyager allait leur permettre de procéder à des transferts d'argent sale vers les banques occidentales. Les paradis fiscaux de servir à la création de nouveaux établissements financiers alimentés par : le trafic de devises - la contrebande de matériel militaire, industriel - le détournement d'aides internationales (affaire Podatev). Même le bureau politique du Parti prit ses dispositions pour placer ses actifs sur des comptes ouverts dans les pays capitalistes via des sociétés-écrans... « Aucune des enquêtes et contre-enquêtes diligentées par le Président et le Soviet suprême sur les malversations et corruptions liées aux privatisations et au sort des biens du parti n’a abouti (1993). » Au mois de septembre, le vice-président de la banque centrale et directeur de la banque du commerce extérieur étaient assassinés, le mois suivant, le vice-président de la banque centrale russe qui avait retiré les licences d’exploitation à 79 banques russes spécialisées dans le blanchiment de ce pillage, fut lui aussi assassiné.

Selon Nourgaliev (ministre de l'Intérieur russe en 2005), la pègre de l'ex URSS se groupe par « corporations » (politiques, militaires, juges, miliciens), secteurs économiques (pétrole, bois, ambre, informatique, etc.), par spécialités (drogues, armes, prostitution, etc.), et en fonction de critères territoriaux ou ethniques formant des clans slaves, caucasiens et asiatiques qui ont développé de puissants liens inter-régionaux et internationaux leur permettant d'opérer : en Europe, au Moyen-Orient, aux États-Unis, en Amérique du sud, bien loin de leur base d'origine. En 2009, on estimait à 200 le nombre de groupes capables d'agir dans une cinquantaine de pays, l'année suivante, leurs effectifs atteignaient 300 000 membres. Le Cercle des Frères, groupe multi-ethnique de l'ancienne URSS, opère en Europe, au Moyen-Orient, en Afrique et en Amérique latine !

Bien que certains d'entre eux soient des vory en Europe de l'Est, en France ce sont des hommes de main. Quand ils ne rackettent pas les hommes d'affaires russes installés dans l'Hexagone, les gangs tchétchènes louent leur force de frappe aux vory géorgiens dont ils sont aussi les gardes du corps, à l'image des deux costauds qui protégeaient « Rezo », l'un des vory les plus respectés, arrêté en décembre 2012 à Millau. Jusqu'en mai 2011, on leur connaissait au moins un chef qui régnait sur la communauté de Nice, leur « capitale » française. Abdullah Erzanukayev, 56 ans, a été abattu de deux balles de calibre .22 long rifle, l'une dans le front l'autre en plein cœur, alors qu'il dînait chez un Géorgien en compagnie d'un vor arménien éliminé en même temps que lui. Abdullah Erzanukayev, surnommé l'«Autrichien », avait été entendu dans l'affaire Kama Trade, une société installée sur les Champs-Elysées soupçonnée de blanchiments. Ce réfugié politique pro-indépendantiste de la Tchétchènie, avait pris ses quartiers à Nice après un passage par la case prison.

En 1995, le vice ministre de l'Intérieur Russe a déclaré : « La mafia moscovite est capable de livrer des matières nucléaires ... elle en possèderait même suffisamment pour fabriquer une bombe cinq fois plus puissante que celle d'Hiroshima ». Un rapport du Ministère russe faisait état de 5 600 groupes criminels forts de 100 000 membres au service de la « pieuvre rouge » qui contrôlerait près de 48 000 entreprises, 1 500 établissements publics et 800 établissements financiers. L'enquêteur russo-arménien Telman Glyan connu pour sa probité lançait un avertissement : « ce n'est plus le spectre du communisme qui hante l'Europe, mais l'ombre de la mafia de l'ex-URSS. Prenez garde, ces gens là sont beaucoup plus dangereux que vos criminels. En Europe occidentale, des règles du jeu se sont établies au fil des siècles, y compris dans le monde criminel. Chez nous, il n'existe aucune règle ».

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samedi 2 décembre 2017

Les dauphins, auxiliaires des flottes américaine et russe


Après la chute de l'Union soviétique et le partage de la Flotte de la mer Noire entre Moscou et Kiev, l'unité militaire des mammifères marins passa sous le contrôle de l'Ukraine qui l'affecta à la delphinothérapie destinée aux enfants atteints de troubles psychiques, puis de la réaffecter en 2012 à un programme militaire. Le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie intervenu le 18 mars 2014 inversa la « donne ». La Russie récupérait les dauphins militaires et l'infrastructure de l'océanarium d'État de Sébastopol. Un mois plus tard, l'US Navy déployait vingt dauphins et dix d'éléphants de mer acheminés par avion spécial pour participer à des manœuvres de l'OTAN en mer Noire. Leur mission ? tester un système de contre-mesures destiné à tromper les sonars adverses.

C'est la Suède qui eut l’idée, en 1942, d’utiliser des animaux marins pour couler les U-booten allemands. Des phoques porteurs d'une charge magnétique sous-marine devaient venir se placer sous les coques des sous-marins, la charge d'exploser en présence de la coque métallique. Les recherches tombèrent dans l'oubli avant d'être reprises par The Naval Undersea Research Development Center Point Mugu (Californie) qui lança the US Navy Marine Mammal Program en 1960. Les premiers articles sur le programme parurent en 1965 et de nombreuses idées fuitèrent sur l'objet des recherches : repérer les mines sous-marines, l'épave d'un avion, des plongeurs, récupérer du matériel au fond de la mer, attaquer des plongeurs en leur arrachant leur détendeur, couler les navires adverses. En 1970, le projet « Quick Find » avait pour objectif le dressage d’otaries et de dauphins destinés à la récupération des éléments de fusées tombés en mer. La liste des missions ne cessa de s'étoffer : protéger les bases navales contre une intrusion, les porte-avions, filmer les pipelines sous-marins et les câbles téléphoniques, etc.

Pour qu'un animal puisse remplir ces missions, il se doit de posséder des récepteurs sensoriels performants car la vue est de peu d'utilité au-delà d'une centaine de mètres de profondeur. Le choix se porta vers le Grand dauphin, un mammifère qui vit dans toutes les mers chaudes et tempérées, bien connu pour sa curiosité et son intelligence. Le dauphin capable de se déplacer à 40 km/h ne possède pas la vision binoculaire, il n'a pas le sens du relief, par contre son spectre sonore est très étendu, il perçoit les sons compris entre 220 hz et 250 kHz ! plonge à quelques centaines de mètres de profondeur, comprend 150 mots, à une conscience de soi (le dauphin a un coefficient d’encéphalisation de 5, l'Homme 7, le chimpanzé 3.3, et il se reconnaît dans un miroir, capacité rare dans le monde animal) base d'une forme d'altruisme entre congénères, et possède un langage propre à chaque espèce. Le dauphin utilise les basses fréquences pour communiquer (chants), et des clics pour l'écholocation qui peut atteindre 600 clics/sec et 220 décibels ! Il communique également par son comportement corporel : sauts, claquement des nageoires, etc., est sensible au toucher (il semble apprécier de vivre collé à ses congénères et les caresses de son soigneur), mais ne possède guère le sens de l'olfaction (l'eau filtrée par l'évent est « goutée » et non sentie).

La série Flipper le dauphin diffusée dans les années soixante a été à la base de l'anthropocentrisme (dont Vladimir Markov est un des tenants) pour ce mammifère qui reste un animal sauvage. Capturé au large, il doit être dressé pour : la tâche à laquelle on le destine - obéir aux directives de son soigneur (gestes, comportements, attitudes, sifflet à ultrasons) et au rappel - traduire ses réactions en forme de réponse. Comme pour le chien, le dressage ou éducation repose sur les réflexes pavloviens. L'animal est mis à la diète afin de l'inciter accepter la nourriture offerte par l'homme, et la suite requiert plus d'un millier de séances d'entraînement dans des bassins de plus en plus grands avant de lâcher l'animal en pleine mer. Pour s'assurer de son retour, son rostre est coiffé d'une « muselière » qui l'empêche de se nourrir, le rendant ainsi dépendant de son instructeur pour sa pitance ! Le programme a également intégré des otaries retenues pour leur ouïe fine et leur vision dans les eaux troubles. Si on bande les yeux d'une otarie placée dans un bassin dans lequel se déplace un nageur, elle est capable d'en retracer le parcours grâce à ses vibrisses !

US Navy posséderait quatre-vingt dauphins, une trentaine d'otaries, et consacrerait un budget annuel de vingt millions de dollars à ce programme. Les dauphins formant le gros des « troupes » est basé à San Diego (Californie) où ils vivent dans des enclos linéaires..., d'où ils peuvent être extraits et transportés suspendus dans leur hamac partiellement submergé dans un réservoir d’eau, n'importe où dans le monde en 72 heures ! Le 11 avril 2017, Makai, un dauphin âgé de 46 ans relevant de l’Explosive Ordnance Disposal Mobile Unit Three de Coronado (Californie) qui avait été capturé en 1974 au large de la Floride et déployé dans le golfe Persique en 2003, a dû être euthanasié.

La première utilisation de ces supplétifs sur un théâtre d'opération fut le Vietnam (1971- 1972), Bahrein (1986-1987), le Golfe lors des conflits en Irak, « Blue game » en 2001 pour localiser les mines sous-marines datant de la Seconde Guerre mondiale au large de la Norvège, en 2003 pour déminer le port d'Umm Qasr et permettre le passage d'un navire transportant de l’aide humanitaire.

Ce genre de recherches ne pouvait laisser les Soviétiques indifférents. Le programme d'entraînement des dauphins au sein de la Marine soviétique a été lancé en 1973 à Sébastopol. Quel changement du côté russe ! jusqu'en 1966, les dauphins de la mer Noire étaient pêchés pour finir sur une table ! Au moment de la dissolution de l’URSS, cette dernière possédait 150 grands dauphins, bélugas, orques (espèce plus adaptée aux eaux froides) et une cinquantaine d'otaries. L'Ukraine connaissant de sérieuses difficultés économiques, se résolut à vendre des dauphins à l'Iran (2000) ! Au mois de mars 2016, la marine russe a lancé un appel d'offres pour l'achat de deux femelles et trois dauphins mâles pour un montant de 1,75 million de roubles (22 300 euros).

Ces programmes qui furent tenus longtemps secret a fait l'objet de nombreuses controverses, comment des dauphins seraient-ils capables de faire la différence entre un navire allié et ennemi (présence d'un transpondeur, signature sonore ?), d'autre part, le dauphin ne semble pas prêt à se sacrifier pour faire sauter un bâtiment, et rien n'a filtré sur les contre-mesures possibles, si l'orque est l'ennemi des dauphins, tous les mammifères restent sensibles à des contre-mesures acoustiques.

L'USNavy envisage le déploiement d'un réseau de Low Frequency Actif Sonars capable de couvrir près de 80 % des océans afin de détecter la présence de sous-marins ; appareil qui pourrait brouiller l'écholocation utilisé par de nombreux animaux marins. Le système LFAS d'une puissance de 240 décibels émet des ultrasons qui atteignent encore à 480 kilomètres de leur source, une puissance de 120 décibels. Des essais de ce sonar ont été mis en cause après les échouages et décès de cétacés en Grèce, au Bahamas et dans les îles Canaries. Les animaux autopsiés ont révélé quils avaient succombé à des hémorragies de l'oreille interne.

Les scientifiques savent encore peu de chose sur la nocivité des ultrasons basses fréquences sur les cétacés (à moins qu'ils ne préfèrent se taire..., car l'acoustique sous-marine est étudiée par toutes les Marines du monde). En 1998, le rapport commandé par le Conseil de défense des ressources naturelles à l'USN sur l'impact de ces sonars sur la vie marine, fait mention d'étourdissements et de vertiges sur des baleines situées à environ 500 mètres de la source ultrasonore. D'autres séries d'essais effectuées au large des îles d'Hawaï eurent pour conséquence d'éloigner la présence des baleines et d'attirer une concentration anormale de requins marteaux ! Le débat est loin d'être clos, mais il reste étrange de découvrir après des manœuvres de l'OTAN, un nombre anormal de baleines ayant succombé à des hémorragies cérébrales (douze baleines en 1996 en Grèce et quinze en septembre 2002 aux îles Canaries).


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