samedi 22 août 2015

TRIBUNE LIBRE : Paolo Brera

L’Ukraine en lutte contre la corruption

C'est un truisme de dire que le plus grand souci pour le gouvernement de Kiev, c'est bien évidemment la guerre civile qui règne dans l’Est du pays et qui domine le quotidien. En deuxième place, il y a la corruption. Le président Pétro Porochenko joue sa réputation sur cette issue, car en Ukraine se déroule en ce moment une campagne de grande envergure contre la corruption.


L’omniprésence de la corruption dans l’économie et la société ukrainienne frôle l’incroyable. Loudmila Milévytch, une jeune mère d’un enfant en âge scolaire a déclaré au Wall Street Journal : « Vous allez à la maternelle et c’est du fric qu’il faut payer pour la faire admettre. Encore du fric pour l’école primaire. Et du fric pour la faire soigner à l’hôpital ». Cette femme au foyer qui s'est enrôlée dans la police municipale de Kiev s'est également engagée dans une campagne visant à déraciner la corruption des policiers. Elle clame : « Plus personne ne veut plus vivre comme ça. »

Les hôpitaux sont un cauchemar, les infirmiers sont payés dix dollars US par jour sous la table. Les opérations chirurgicales sont assujetties à un tarif précis et purement privé – en clair : à chaque consultation, des centaines des dollars émigrent des poches des patients vers celles des médecins. La police ferme les yeux sur les infractions commises à condition pour les contrevenants de s'acquitter d'un bakchich en devises. Le revenu non-officiel en monnaie étrangère est souvent plus important que le traitement officiel en hryvnes.

C’est presque difficile à croire, mais le problème était moins aigu du temps de l'Union soviétique. Dans les hôpitaux, on vous soignait même si vous n’aviez pas de devises à remettre au personnel soignant. Mais quand l’État communiste autoritaire s’est écroulé, c’est le "Far West" qui a prévalu. La tentation était trop grande pour de nombreuses personnes de profiter de leur position et de la corruption régnante pour plus qu'arrondir leur fin de mois. Beaucoup se sont laissé séduire par l'argent facile.

Porochenko a recruté l’ancien Premier ministre géorgien, Mikhaïl Saakachvili, pour l'assister dans la campagne anti-corruption. Même les opposants de Saakachvili reconnaissent son succès dans l’éradication de la corruption diffuse qui sévissait en Géorgie. Aujourd’hui, Saakachvili devenu le gouverneur de la région d’Odessa, a eu l’idée d'accorder aux grands bureaucrates des primes en devises étrangères contribuant ainsi à la réduction de la corruption. La méthode a été appliquée également à deux ministères Kievins. Mikhaïl Beylin, conseiller du président Porochenko, remet des enveloppes contenant de 3 000 à 7 000 euros par mois aux chefs de départements et encore bien plus aux ministres et aux députés.

L'idée n’est pas dénuée de fondement, elle repose sur l'hypothèse que les bas salaires incitent le personnel à la corruption, et que pour la combattre, il faut avant tout mieux rémunérer les personnes. Et cela a marché – parfois. Un policier de Kiev a admis qu’il acceptait des pots-de-vin quand il recevait deux mille hryvnes par mois (80 euros), mais plus maintenant qu’il est beaucoup mieux payé ; il s’est même engagé dans la campagne anticorruption. Le ministre Avaras Abromavicius a déclaré au site Investigatif Ukraine Criminelle : « Quand un ministre touche 200 dollars par mois et ses aides les plus proches même moins que cela – alors on ne va nulle part. » Il y en a certains qui ont cependant émis des doutes sur la légalité de cette prime versée en dollars – et le fait qu’ils soient débités en secret ne fait que renforcer la tendance du système politique ukrainien à former des camarillas. Les chefs de file de l’administration publique et des entreprises d'État sont toujours choisis selon des procédés dont l’opacité avantage les gens bien introduits au grand dam des plus compétents. Porochenko a pris l’engagement solennel de faire procéder à toutes ces nominations de façon transparente et méritocratique, toujours par le biais de concours publiques. La réalité, comme le souligne Dmytro Tuzov dans l’Ukraïnska Pravda (le quotidien fondé par Héoryiy Gongadzé), ne correspond pas toujours aux engagements pris.

Prenons, par exemple, les Chemins de Fer Ukrainiens (au nom imprononçable d’Oukrzaliznytsyiya), un véritable État dans l’État dont Oleksandr Zavhorodnyiy a été nommé PDG sans avoir présenté le moindre concours. Son poste n'est que provisoire, mais cela cache l’absence de n’importe quel critère pour une désignation définitive. On a dit que le concours (transparent, comme il se doit...) sera annoncé en septembre. Annoncer, ce n’est quand même pas faire ce qu’on annonce. Aussi, Tuzov a eu beau jeu de dire qu’au vu des délais habituels en Ukraine, les chemins de fer devront attendre très longtemps pour enfin voir siégé un PDG désigné selon des règles de transparence. Or cette nomination revient entièrement de la responsabilité de Porochenko.

Il y avait cependant eu un bon départ. Le nouveau chef du Bureau Anticorruption, le jeune et dynamique ancien avocat et procureur Artem Sytnyk, dont la candidature a bien été retenue après un concours ouvert et transparent au cours duquel il a battu à plate couture son adversaire Mykola Siryiy. Mais en août, le procureur général l’a inculpé d’abus de confiance : il aurait payé le voyage de sa femme qui l'accompagnait en visite officielle à Londres, avec de l’argent publique. « Ce n’est qu’une façon de faire pression sur moi » a-t-il déclaré en démentant cette accusation. Pourtant, l’inculpation montre – au minimum – que les corrompus n’ont aucune intention de se soumettre sans bataille.



vendredi 21 août 2015

JIHAD MARITIME & IMMIGRATION.



Touil Abdelmajid, un Marocain soupçonné d'avoir participé aux préparatifs et à l'attentat du musée du Bardo à Tunis qui a coûté la vie à 20 touristes le 18 mars 2015, a été arrêté à Milan où il était arrivé clandestinement à bord d'un navire de migrants. Le secrétaire général de l'Otan, Jens Stoltenberg, a fait part de ses inquiétudes en disant sa crainte de voir : « des extrémistes islamistes se mêler aux migrants qui cherchent à gagner l'Europe, » précédé en cela par Matteo Salvini le leader de la Ligue du Nord. Un responsable d'Al Quaïda interpellé a révélé qu'une quarantaine de plongeurs de " combat " avait été formés et instruits en 2012 afin de conduire le jihad maritime en attaquant des bâtiments dans le détroit de Gibraltar ! Les menaces d'attaques fluviales ou maritimes sont très sous-estimées ; imaginons que des jihadistes s'emparent d'un canot Offshore, qu'ils le remplissent de plusieurs centaines de kilos d'explosifs, et qu'ils viennent éperonner un navire de croisière avec à son bord plusieurs milliers de passagers ! Qu'attendent les États européens pour s'attaquer sérieusement à cette entreprise criminelle collective qui ne représente pas seulement une menace à l'ordre public, à la cohésion de la société, mais un combat mortel, jusqu'à son éradication totale ?


S'il ne s'agit pas à proprement parler, pour l'instant, d'une menace pour la sécurité nationale, le seuil atteint par l'immigration clandestine n'impose-t-il pas un " blocus " naval et terrestre ? Au XV° siècle déjà, les pirates berbères s'élançaient des côtes tripolitaines et de celles du Maghreb pour rançonner les navires chrétiens et en exiger un tribut reversé au bey de Tunis, d'Alger ou au pacha de Tripoli. Ce sont les Américains, qui après la capture de leur navire Philadelphia en 1801, allaient s'attaquer à cette menace en bombardant Tripoli & Alger et parvenir à reprendre leur navire aux mains des mauresques. L'activité barbaresque prendra fin avec la colonisation française en 1830.

« Le trafic de migrants prend la forme de réseaux aux ramifications multiples dans le monde entier (NdA : agences de voyages, associations, entreprises, et même certaines administrations ou ambassades ont été impliquées). Il est facilité par la corruption et les trafics de faux documents. Le revenu global de cette activité est évalué à 40 milliards de dollar chaque année» (Rapport United Nations drugs and crime 2013). L'immigration contribue à alimenter les caisses des mouvements islamistes qui prélèvent leur "dime", à seulement quelques dizaine d'euros par passager clandestin, calculez les sommes engrangées par ces organisation criminelles...

Les passeurs et leurs coauteurs sont des adversaires de l'"humanité " dont les passagers, par leur participation volontaire se rendent complices. Si le client d'une prostitué est condamnable, pourquoi n'en irait-il pas de même à l'égard de clients qui ont déboursé entre 500 et 1000 dinars libyens (330 et 660 E) pour le prix de leur passage après avoir franchi des distances considérables en toute illégalité. Que certains médias cessent de nous les présenter comme des victimes innocentes, si elles le sont, c'est d'abord par leur lâcheté à fuir leur pays au lieu de le défendre ; en Palestine par exemple, ils sont considérés comme des traitres par leurs coreligionnaires, et ensuite, de se faire les victimes consentantes des passeurs. Leur responsabilité est pleine et entière.

L'article 3.1 de la convention de Montego Bay stipule : "Commet une infraction pénale toute personne qui, illicitement et intentionnellement : s'empare d'un navire ou en exerce le contrôle par violence ou menace de violence - (...) acte est de nature à compromettre la sécurité de la navigation du navire - détruit un navire ou cause à un navire où à sa cargaison des dommages qui sont de nature à compromettre la sécurité de la navigation du navire." Le dimanche 12 avril 2015, quinze immigrés de confession musulmane secourus par les gardes-côtes italiens étaient interpellés à leur arrivée en Sicile et inculpés : « d'homicide multiple aggravé de haine religieuse » pour avoir jeté par-dessus bord douze réfugiés chrétiens en Méditerranée...

Le Blue Sky M avait été abandonné par les passeurs au large des Pouilles avec 760 clandestins à son bord : « Les moteurs étaient bloqués à pleine puissance et rien n'aurait empêché le navire de se fracasser sur les rochers. » Le 20 décembre, c'était un navire en provenance de la Turquie avec 800 immigrés à son bord qui utilisait la même technique pour conduire sa cargaison sur les côtes de la Sicile. En février 2001, l'East Sea était venu s'échouer contre les rochers à Saint-Raphaël avec à son bord plus de 900 migrants. La France s'était alors décidée à remettre en service ses sémaphores et envoyer des patrouilleurs et des appareils Falcon 50 afin de surveiller une zone de 115 000 km2.

Les passeurs ne prennent même plus la peine de conduire leur "cargaison" humaine dans les eaux territoriales italiennes, après s'être éloignés de seulement quelles que encablures de la côte libyenne ou tunisienne, ils lancent un SOS afin de faire converger sur zone les navires alentours ! Le samedi 22 aout 2015, les garde-côtes italiens recevaient des appels de détresse provenant d'une vingtaine d'embarcations hétéroclites transportant 4 200 migrants, la plupart sans équipements de sécurité. Le lendemain, 300 migrants supplémentaires durent être secourus par des navires européens coordonnés par les garde-côtes italiens. Tout ce monde a été acheminé vers les ports du sud de l’Italie, portant ainsi le nombre des demandeurs d'asile à plus de 108.000, depuis le début de l’année... A quand une application de type "Uber", le candidat à l'immigration après s'être enregistré et grâce à la géolocalisation de son smartphone n'aura plus qu'à attendre son ramassage.

Le mieux est parfois l'ennemi du bien. Au mois de juillet 2015, une embarcation lourdement surchargées a chavirée lorsque ses occupants se sont portés sur le même bord en apercevant les secours. La sûreté et la sécurité d’un navire sont en relations avec son entretien, la qualité de son équipage et le respect des règles de navigation. Il revient à l’État du pavillon de s'assurer que ses navires respectent la réglementation nationale et les conventions internationales. Si une infraction ou un délit est commis en haute-mer, le navire peut être remis à l'État dont il bat pavillon, soit à l'État côtier d'où il est parti. Article 12 alinéa 2 de la Convention sur la haute mer (30 septembre 1962) dit : "Tous les États riverains favoriseront la création et l’entretien d’un service adéquat et efficace de recherche et de sauvetage pour assurer la sécurité en mer et au-dessus de la mer, et concluront à cette fin, le cas échéant, des accords régionaux de coopération mutuelle avec les États voisins." La résolution 1846 du 2 décembre 2008 a autorisé l'assistance technique aux États côtiers "défaillants". La première opération navale européenne, Atalante, s'exerça au large de la Somalie de 2008 à 2010 avec le déploiement d'une vingtaine de bâtiments et d'aéronefs pour surveiller une zone maritime de deux millions de km2.

Le renseignement militaire est en mesure d'infiltrer des équipes derrières les lignes adverses, le service action du SDECE a armé des cotres chargés de la surveillance côtière en Méditerranéenne, et à l'heure de la haute technologie nous sommes incapables d'infiltrer des observateurs sur un trait de côte ! Les services des douanes savent retracer la vie d'un navire armé par une société, racheté par une autre et qui a changer plusieurs fois de nom, de pavillons, d'immatriculation, d'équipage ; des sous-marins sont utilisés pour pister des navires soupçonnés de se livrer à certains trafics et on n'est pas foutu de : repérer - localiser - identifier - contrôler - rendre inutilisable un navire qui s'apprête à déverser toute la misère du monde sur nos côtes ? Un navire-mère abritant à son bord des commandos marine ainsi que des embarcations légères rapides seraient suffisants pour : accoster l'embarcation, en prendre le contrôle et la reconduire à la limite des eaux territoriales, voire en débarquer les occupants sur la côte. Une mission nouvelle pour les bâtiments (BPC) non livrés à la Russie ? Si l'Europe est incapable d'actes de souveraineté, forts, pourquoi ne fait-elle donc pas appel à une Société militaire privée comme le firent les USA en 2007 dans l'Océan indien ?


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lundi 10 août 2015

L'HÉRITAGE COLONIAL (7)


Le XIXe siècle voit l'essor de l'industrialisation sous la poussée d'exploits techniques et une transformation exceptionnelle de notre environnement avec la formation de l'Empire colonial français. En 1881, le bey de Tunis reconnaît la souveraineté de la France, la maîtrise de la mer oblige la Chine à reconnaître, en 1885, le protectorat de la France sur l'Annam et le Tonkin. L'expansion se poursuit en Mer Rouge avec l'établissement d'une base navale à Djibouti en 1888 et la pacification de Madagascar 1895-1905. L'Afrique Occidentale Française naît avec la conquête du Sahara en 1902. La domination française s'étend alors de la méditerranée au Tchad, le protectorat marocain intervient en 1912.

La IIIe République est secouée par une série d'événements qui troublent l'environnement politique, social et économique ; le scandale de Panama (1893) fait suite au boulangisme, le terrorisme des anarchistes donne naissance à une forme de banditisme, Zola attise les passions et suscite les divisions avec "J'accuse", Jules Ferry fait voter le principe de l'enseignement primaire laïque gratuit et obligatoire, la loi sur les libertés syndicales.

La France d'avant 1914 connaît une certaine nonchalance avec la paix sociale et la stabilité financière, c'est la belle Epoque et il fait bon vivre en France. Dès le début du conflit, la France est privée des ressources des régions envahies, son économie subit un coup d'arrêt brutal. L'allégresse de l'armistice ne peut effacer le souvenir d'une guerre mondiale qui laisse le pays exsangue. Les pertes humaines sont considérables. Les Français songent à s'étourdir pour oublier leurs souffrances. Ce sera les années folles. Le krach de 1929 est le premier symptôme d'une crise économique dont la gravité et l'ampleur sont sans précédent. Le niveau de la production retombe à un niveau plus bas qu'en 1913.

Le 1 septembre 1939, la France fidèle à ses engagements déclare la guerre à l'Allemagne suite à l'invasion de la Pologne. Deux millions d'hommes sont prisonniers et la partie nord du pays est envahie. Le blocus des Alliés coupe la France de l'extérieur la privant de matières premières, d'énergie et de moyens de communication. L'arrêt des hostilités est presque un soulagement. Paris est déclaré ville ouverte, l'armistice est signé le 14 juin. La population française est divisée en quatre attitudes : ceux qui font le dos rond en attendant des jours meilleurs - la collaboration (les raisons sont diverses) - la résistance à l'envahisseur - et ceux qui préfèrent s'expatrier.

En 1945, la France sort d'une des plus graves crises de son histoire. Sa population a connu l'humiliation, la misère, le marché noir, les restrictions, et l'occupation de son territoire. Les pertes en vies humaines ont fait plus de 600 000 victimes. L'outil industriel est détruit, les cultures sont dévastées. La France doit tout acheter et son prestige est définitivement ébranlé. La Seconde Guerre mondiale va précipiter la fin du colonialisme. En juin 1945, les Français évacuent la Syrie, au mois de décembre 46 le dernier soldat français quitte le Liban, trois mois, plus tard, surgissent les troubles à Madagascar, la guerre d'Indo" se termine par le drame de Dien-Bien-Phu en juillet 54. L'agitation persistante en Tunisie et au Maroc conduit à la reconnaissance de leur indépendance (52 et 53). L'année 56 voit le déroulement de l'opération Mousquetaire (l'aventure de Port-Saïd en Égypte), les deux grands renvoient le corps expéditionnaire franco-britannique soutenu par Israël, à la niche.

Quelques mois seulement après l'Indochine, le problème algérien se révèle au grand jour ; on parle de maintien de l'ordre, de rébellion, de pacification, autant d'euphémismes bien inutiles pour une guerre qui n'ose pas dire son nom. Le conflit algérien va marquer les esprits et l'envoi du contingent va secouer la société française. Si le service national est peu apprécié des appelés, il l'est encore moins par ceux qui sont maintenus et les rappelés.

L'appelé, après quatre mois d'instruction militaire accomplis en métropole, en Allemagne, ou au "bled", le conscrit sait faire un lit au carré, ranger son armoire et faire son paquetage. Cette période terminée, il bénéficie d'une courte permission de 8 jours avant de prendre place à bord d'un train, direction Marseille, camp Sainte-Marthe. Les trains accusent souvent des retards provoqués par l'usage intempestif du signal d'alarme pour immobiliser la rame. Après le passage par le dépôt, les appelés embarquent sur un navire à destination de l'Algérie où des camions les attendent pour les conduire vers leur affectation. Les jeunes hommes vont se familiariser avec leur quotidien : bouclage, quadrillage, ratissage, embuscade, accrochage, contrôle d'identité, patrouille, tour de garde, protection des convois, assaut, sans oublier le crapahute dans un relief tourmenté. La solde ? 20 francs (anciens) - 15 paquets de "troupes" - quelques timbres en franchise militaire, par mois...

En 1954, François Mitterrand est nommé ministre de l'Intérieur, le 12 novembre il déclare du haut de la tribune de l'Assemblée nationale : "La rébellion algérienne ne peut trouver qu'une forme terminale, la guerre!" L'homme est fermement opposé à l'indépendance algérienne. En mars 1956, le gouvernement socialiste rappelle plusieurs classes de disponibles (1952-1953-1954), envoie le contingent en Algérie et porte en 1959, la durée du service militaire (obligatoire) à 24 mois. Les effectifs ont doublé passant de 200 000 en janvier 1956 à 400 000 en décembre 1956. Si on accuse souvent la droite de nourrir en son sein des foudres de guerre, les socialistes, en voulant apporter aux peuples les bienfaits de la république, ont souvent été à la base des conflits coloniaux.

N'a-t-on pas dit aux bidasses que "les voyages formaient la jeunesse" ? Diktat en partie tenu. Ils vont se familiariser avec leur nouveau vocabulaire : mechta, Inch Allah, mektoub, harka, katiba. La compagnie est devenue l'école Berlitz (L'apparition de mots d'origine arabe, fatwa, émir, etc., dans notre quotidien est-elle un indicateur fiable des bouleversements à venir ?). Après une année de service, les appelés ont droit à une permission de 3 semaines (en métropole, les congés payés sont alors de 4 semaines/an). Les appelés vont vite apprendre qu'il ne faut pas abandonner un camarade blessé sous peine de le retrouver atrocement mutilé, émasculé, égorgé ; parfois au cours d'un accrochage, des soldats d'origine algérienne lèvent leur fusil la crosse en l'air en signe de ralliement à l'ALN ; au petit matin, certains ont déserté avec leur arme. Ces actes seront en partie responsables de la défiance des Français à l'égard des Algériens. Pendant leurs loisirs, les appelés tapent le carton, écoutent le "transistor" (les chansons : "Quand un soldat" de Francis Lemarque, et "Le Déserteur de Boris Vian" sont interdites d'antenne), lisent et relisent le courrier reçu, et ils prennent des photos, tout en pensant au Père-cent, à la quille, et craignant de faire du "rabiot". Peu sont politisés.

Le 1 juin 1958, le Parlement investit le général de Gaulle, le 15 mai, c'est un général Salan enthousiaste qui adresse à la population réunie sur la Forum d'Alger un "Vive de Gaulle ! " tonitruant ; en septembre 59, de Gaulle propose aux Algériens la voie de l'autodétermination. Le 8 janvier 1961, les Français de métropole approuvent à 75 % le référendum sur l'autodétermination. Les années soixante annoncent le chant du cygne avec l'indépendance : du Mali - de la Mauritanie - du Tchad - de la République de centre Afrique - du Congo - du Cameroun - de Madagascar - du Sénégal - de la Côte d'Ivoire - de la Guinée. Qui se souvient aujourd'hui du Dahomey, du Togo, etc. ?

Le 22 avril 1961 marque le putsch des généraux et porte l'Organisation de l'Armée Secrète (OAS) sur les fonds baptismaux. "Soleil" (Salan) n'avait pas étudié cette forme de combat lors de son passage par l'école de guerre. L'issue en sera catastrophique. Jean-Marie Bastien Thiry sera fusillé pour être resté fidèle à son serment. Le conflit terminé en 62, on décompte 30 000 morts, la plupart sont de jeunes hommes âgés d'une vingtaine d'années. L'arrivée massive des pieds-noirs et celle moindre, des harkis en 1962, accentue le manque de logements. Les grands ensembles et les villes-nouvelles vont contribuer à l'extension des banlieues. La fin des trente glorieuses (45-73) va aggraver largement la tempérance de la population. Le regroupement familial (1974) va contribuer à l'accentuation de la pénurie de logements. Entre 1960 et 1975, la population est passée de 47 à 53 millions ; on compte alors 830 000 chômeurs, le choc pétrolier (conflit égypto-israélien) fait passer les prix du baril de 3 à 12 dollars pour atteindre 34 dollars en 79.

Le gouvernement lance le slogan " En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées !..."

A SUIVRE : URBANISATION, ENSEIGNEMENT, INTÉGRATION

Le contenu de ces articles propose d'essayer de comprendre et de rendre intelligibles la situation que connait la France confrontée à une présence hostile depuis déjà plusieurs décennies. Cette grille de lecture ne prétend pas pour autant que les faits avancés puissent en exclure d'autres. Les propos servant de fil conducteur, aussi effrayants que manichéens, ne sauraient m'être attribués pour induire la réflexion du lecteur. Ils relèvent de l'histoire et de l'actualité.
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samedi 1 août 2015

À MORT LES TOUBABS ! (6 ) 

Mars 2005, des jeunes lycéens qui manifestaient pour un problème concernant leurs études avaient été sauvagement agressés et détroussés par des jeunes noirs, au cri de "A mort les toubabs". Quelques semaines plus tard, les hommes politiques tous bords confondus, se retrouvaient face à une dérive identitaire communautariste afro-antillaise dont les revendications reposaient sur la reconnaissance et la réparation liées à l'esclavage, et en pointillés, celle de la colonisation. L'élue de Guyane Christiane Taubira ( à l'origine de la loi du 21 mai 2001, qui reconnaît la traite des blanches et l'esclavage comme crime contre l'humanité) a déclaré à la revue Technikart de février 2006 " La crise des banlieues n'est pas finie. Et encore, je trouve que les gens sont raisonnables compte tenu de ce qu'on leur fait subir depuis deux générations."

La France semblait découvrir le ressenti d'une partie de la population noire qui compte environ 5 millions de personnes et la radicalisation d'une minorité de jeunes nés pour la plupart de parents originaires d'Afrique noire ou blanche. Chaque partie dénonçant la violence que l'autre lui fait subir, violence (économique, sociale, etc.) subie qui à son tour "justifie" en retour le recours à la violence. C'est par exemple le credo d'une franche des "Indigènes de la République" (certains se désignent eux-mêmes comme des Afro-européens) qui assimilent peu ou prou les conditions de vie des banlieues à l'exploitation coloniale. Toute diminution d'agressivité verbale serait interprétée comme un signe de soumission. Cette pensée fortement ancrée dans certains esprits est responsable en partie de la chute du tourisme dans les Caraïbes. Certains employés dans le secteur de l'hôtellerie refusent de servir le touriste sous le prétexte qu'il s'agit d'un rapport de maître à esclave. De nombreuses associations regroupant des Antillais, des Guyanais et des réunionnais, n'hésitent pas à propos de certains mouvements identitaires, à parler de racisme anti-blanc, et certains penseurs et philosophes, de francophobie.

Depuis quelques années, les propos discriminatoires à l'égard des blancs fleurissent : face de craie, fromage blanc, sale blanc, etc., et certains rappeurs n'hésitent plus à appeler à la violence. J. Gerardin avait déjà écrit " Rien n'empêche le blanc d'être un sale blanc". Tous les militaires connaissent l'importance du diminutif pour désigner un adversaire et ainsi le reléguer au rang infra humain. Face à cette "psychose", la marque Banania décidait début 2006, de supprimer sur ses boites de cacao, le visage épuré et modernisé du tirailleur sénégalais qui avait rappelé à toute une génération ce que la France doit à ces hommes. Comme si la colonisation et l'instruction étaient la cause de tous les maux. N'y a-t-il pas plusieurs vérités? Sur une photo de l'équipe de France de football, je peux y compter 7 noirs sur 11 joueurs, dois-je y voir une discrimination du sélectionneur à l'encontre des blancs ou une supériorité footballistique noire? La différence entre la discrimination, le racisme (la supériorité d'une race), le racialisme (la différence entre races), la xénophobie, reposent avant tout sur une lecture subjective des paradigmes et des stéréotypes. 

En ce qui concerne les français des DOM - TOM, il ne peut s'agir d'une question de nationalité, ils sont Français, mais d'une question de couleur doublée d'une question d'appartenance communautaire à propos de laquelle BHL a dit " Il y a cette idée bizarre aujourd'hui selon laquelle il faudrait revendiquer je ne sais quelle supériorité dans la souffrance". Max Gallo, las des perpétuelles repentances, écrit dans son essai, Fier d'être Français : "Honteux de notre passé, nous sommes condamnés non seulement à la repentance, mais à nous désagréger, à nous diviser, à capituler, à mourir dans l'aigreur, l'amertume, la haine." Il discerne dans la notion de Patrie : "le seul moyen d'empêcher que notre société n'éclate en tendances hostiles, au risque d'une violence que nul n'imagine."

Ces mouvements identitaires semblent oublier la responsabilité black - blanc - beur dans ce triste épisode de l'histoire. Qu'est-ce qu'un Français dont les grands-parents étaient, a fortiori, originaires d'un autre pays, a à voir avec la traite africaine (Africains qui vendaient d'autres Africains), la traite orientale (négriers musulmans) ou la traite atlantique organisée par des Américains, Anglais, Français, Hollandais? Seul dénominateur commun, les victimes en ont été les Africains.

La société française n'est plus seulement confrontée à des "sauvageons" sifflant la Marseillaise dans un stade. Les renseignements généraux recensaient au début des années 2000, mille quartiers difficiles et 435 meneurs de bande. L'augmentation des actes de délinquance imputables aux jeunes est bien réelle. On est passé de 66.540 mineurs mis en cause en 1972, à 175.000 en 2000. Si on prend les enquêtes de victimisation établies à partir d'un échantillon de 30.000 personnes, les chiffres seraient à multiplier par quatre! Les récidives sont estimées, selon la tranche d'âge, à 65% et 75%, et les chiffres des réitérants(délinquants qui n'ont pas été arrêtés ou condamnés) ne sont pas connus... Les spécialistes évoquent la théorie des 5%. Cela signifie que 5% des jeunes d'une même ville ou cité sont responsables de 50 à 80% (valeur interpolée qui semble être inspirée de la loi de Paretto) des infractions commises. Cette minorité délinquante est responsable, dans une grande mesure, de la mauvaise réputation des banlieues et des jeunes qui y vivent. Tous les jeunes issus ou non de l'immigration ne sont pas tous des délinquants, loin s'en faut. Ils en sont les premières victimes.

En janvier 2006, une quarantaine de jeunes répartis en petits groupes de 5 ou 6 ont semé la terreur à bord d'un train assurant la liaison Lyon-Nice. Certains seront incarcérés pour agression sexuelle, violence, menaces de mort. Cette série d'événements n'est pas une bagatelle et il est toujours dangereux, même par souci d'apaisement, de minimiser des faits criminels en les qualifiant d'incivilités. Certains parlent même d'une stratégie sociale laxiste qui reposerait sur la non-application de la loi, de l'absence d'exécution ou de l'aménagement des peines. Une telle attitude ne contribue guère à la responsabilisation, au respect d'autrui, à la restauration de l'autorité, pas plus qu'elle protège d'un glissement des violences sociales vers les violences individuelles.

Rejeter la société des blancs est une façon de dire "je ne veux rien recevoir de vous et de votre culture" (installation d'une contre-culture) et se libérer d'une dette. Ensuite, rien de plus simple que de minimiser les avantages perçus : études (Chaque collégien coûte environ 12 000 euros/an), santé, allocations familiales, chômage, et de profiter de la liberté d'expression en disant, c'est vous qui me devez quelque chose en réparation à ma présence ici.

Leur leitmotiv, c'est de "niquer le système" et le refus de se conformer aux règles sociales. Ils veulent bénéficier des avantages de la citoyenneté sans son acceptation civique. Il n'est dès lors pas étonnant de voir des jeunes n'éprouver aucun scrupule à commettre des actes réprouvés par la morale, tout simplement parce qu'ils éprouvent et ne ressentent que du mépris pour la société et ses valeurs. Je veux quelque chose, je m'en empare au besoin par la force. Un adolescent qui refusait de donner, sous la menace, son baladeur a été poignardé. Le jeune délinquant vise à l'instantanéité. Nous sommes loin du crime gratuit commis par le héros de Dostoïevski ( les possédés) ou de Gide (les caves du Vatican). Lors de son arrestation, Fofana récitait des versets du Coran, dévoyant la religion à la projection de ses propres désirs et support à une bouffée délirante de toute-puissance.

Certains "humanistes" vont jusqu'à voir en ces jeunes des victimes de la société, leur trouver des excuses absolutoires, leurs violences légitimes, et leur accorder plus d'attention qu'à leurs victimes. "S'ils pouvaient dialoguer avec le diable, ils lui diraient qu'il a tort, mais que son point de vue est intéressant." Pourquoi diluer la responsabilité personnelle dans le collectivisme? À quoi peut bien conduire la culpabilisation qui vise à faire supporter aux autres le poids de la faute individuelle? Et tant que l'on y est, pourquoi ne pas assimiler les comportements déviants à des joutes rituelles tribales du ressort des ethnologues?

Vouloir à tout prix assimiler l'homme à la société ne peut que conduire à la destruction de la dite société. Un homme qui commet un délit à l'encontre d'un autre individu, est condamné au nom de la société, sanction qu'il va de facto assimiler à la société. S'il veut ensuite se venger, il va se retourner contre la société et non contre les magistrats responsables de sa peine. Tout le contraire de la charia. Si l'individualisation était privilégiée, le rejet délibéré des valeurs de la société conduirait ce genre d'individus à l'aliénation, la clochardisation, ou au suicide.

Des jeunes issus de parents d'origine étrangère connaissent eux aussi des injustices et n'en constituent pas moins d'honnêtes citoyens. Ils ont choisi de répondre par l'occultation de situations et propos négatifs en les retournant en une solution réaliste et positive, position certainement plus prometteuse d'avenir, à moins que quelques inconscients "nihilistes" ne viennent ruiner leurs espérances. Après la guerre froide de nature politique, la société risque-t-elle de glisser vers une guerre froide de nature civile?

Les politiques, le Ministère de l'Intérieur et celui de la Défense vont devoir de plus en plus intégrer dans leurs réflexions sur la sécurité des personnes, des biens et de la nation, différentes formes de violence qui ont de plus en plus tendance à s'interpénétrer: terrorisme, criminalité, "guérilla" urbaine, affrontements ethniques, religieux, hooliganisme, vandalisme, etc., et prendre en compte l'augmentation de population, l'insatisfaction sociale et le malaise civilisationnel engendrés.

A SUIVRE : L’HÉRITAGE COLONIAL 

Le contenu de ces articles propose d'essayer de comprendre et de rendre intelligibles la situation que connait la France confrontée à une présence hostile depuis déjà plusieurs décennies. Cette grille de lecture ne prétend pas pour autant que les faits avancés puissent en exclure d'autres. Les propos servant de fil conducteur, aussi effrayants que manichéens, ne sauraient m'être attribués pour induire la réflexion du lecteur. Ils relèvent de l'histoire et de l'actualité.
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