lundi 10 août 2015

L'HÉRITAGE COLONIAL (7)


Le XIXe siècle voit l'essor de l'industrialisation sous la poussée d'exploits techniques et une transformation exceptionnelle de notre environnement avec la formation de l'Empire colonial français. En 1881, le bey de Tunis reconnaît la souveraineté de la France, la maîtrise de la mer oblige la Chine à reconnaître, en 1885, le protectorat de la France sur l'Annam et le Tonkin. L'expansion se poursuit en Mer Rouge avec l'établissement d'une base navale à Djibouti en 1888 et la pacification de Madagascar 1895-1905. L'Afrique Occidentale Française naît avec la conquête du Sahara en 1902. La domination française s'étend alors de la méditerranée au Tchad, le protectorat marocain intervient en 1912.

La IIIe République est secouée par une série d'événements qui troublent l'environnement politique, social et économique ; le scandale de Panama (1893) fait suite au boulangisme, le terrorisme des anarchistes donne naissance à une forme de banditisme, Zola attise les passions et suscite les divisions avec "J'accuse", Jules Ferry fait voter le principe de l'enseignement primaire laïque gratuit et obligatoire, la loi sur les libertés syndicales.

La France d'avant 1914 connaît une certaine nonchalance avec la paix sociale et la stabilité financière, c'est la belle Epoque et il fait bon vivre en France. Dès le début du conflit, la France est privée des ressources des régions envahies, son économie subit un coup d'arrêt brutal. L'allégresse de l'armistice ne peut effacer le souvenir d'une guerre mondiale qui laisse le pays exsangue. Les pertes humaines sont considérables. Les Français songent à s'étourdir pour oublier leurs souffrances. Ce sera les années folles. Le krach de 1929 est le premier symptôme d'une crise économique dont la gravité et l'ampleur sont sans précédent. Le niveau de la production retombe à un niveau plus bas qu'en 1913.

Le 1 septembre 1939, la France fidèle à ses engagements déclare la guerre à l'Allemagne suite à l'invasion de la Pologne. Deux millions d'hommes sont prisonniers et la partie nord du pays est envahie. Le blocus des Alliés coupe la France de l'extérieur la privant de matières premières, d'énergie et de moyens de communication. L'arrêt des hostilités est presque un soulagement. Paris est déclaré ville ouverte, l'armistice est signé le 14 juin. La population française est divisée en quatre attitudes : ceux qui font le dos rond en attendant des jours meilleurs - la collaboration (les raisons sont diverses) - la résistance à l'envahisseur - et ceux qui préfèrent s'expatrier.

En 1945, la France sort d'une des plus graves crises de son histoire. Sa population a connu l'humiliation, la misère, le marché noir, les restrictions, et l'occupation de son territoire. Les pertes en vies humaines ont fait plus de 600 000 victimes. L'outil industriel est détruit, les cultures sont dévastées. La France doit tout acheter et son prestige est définitivement ébranlé. La Seconde Guerre mondiale va précipiter la fin du colonialisme. En juin 1945, les Français évacuent la Syrie, au mois de décembre 46 le dernier soldat français quitte le Liban, trois mois, plus tard, surgissent les troubles à Madagascar, la guerre d'Indo" se termine par le drame de Dien-Bien-Phu en juillet 54. L'agitation persistante en Tunisie et au Maroc conduit à la reconnaissance de leur indépendance (52 et 53). L'année 56 voit le déroulement de l'opération Mousquetaire (l'aventure de Port-Saïd en Égypte), les deux grands renvoient le corps expéditionnaire franco-britannique soutenu par Israël, à la niche.

Quelques mois seulement après l'Indochine, le problème algérien se révèle au grand jour ; on parle de maintien de l'ordre, de rébellion, de pacification, autant d'euphémismes bien inutiles pour une guerre qui n'ose pas dire son nom. Le conflit algérien va marquer les esprits et l'envoi du contingent va secouer la société française. Si le service national est peu apprécié des appelés, il l'est encore moins par ceux qui sont maintenus et les rappelés.

L'appelé, après quatre mois d'instruction militaire accomplis en métropole, en Allemagne, ou au "bled", le conscrit sait faire un lit au carré, ranger son armoire et faire son paquetage. Cette période terminée, il bénéficie d'une courte permission de 8 jours avant de prendre place à bord d'un train, direction Marseille, camp Sainte-Marthe. Les trains accusent souvent des retards provoqués par l'usage intempestif du signal d'alarme pour immobiliser la rame. Après le passage par le dépôt, les appelés embarquent sur un navire à destination de l'Algérie où des camions les attendent pour les conduire vers leur affectation. Les jeunes hommes vont se familiariser avec leur quotidien : bouclage, quadrillage, ratissage, embuscade, accrochage, contrôle d'identité, patrouille, tour de garde, protection des convois, assaut, sans oublier le crapahute dans un relief tourmenté. La solde ? 20 francs (anciens) - 15 paquets de "troupes" - quelques timbres en franchise militaire, par mois...

En 1954, François Mitterrand est nommé ministre de l'Intérieur, le 12 novembre il déclare du haut de la tribune de l'Assemblée nationale : "La rébellion algérienne ne peut trouver qu'une forme terminale, la guerre!" L'homme est fermement opposé à l'indépendance algérienne. En mars 1956, le gouvernement socialiste rappelle plusieurs classes de disponibles (1952-1953-1954), envoie le contingent en Algérie et porte en 1959, la durée du service militaire (obligatoire) à 24 mois. Les effectifs ont doublé passant de 200 000 en janvier 1956 à 400 000 en décembre 1956. Si on accuse souvent la droite de nourrir en son sein des foudres de guerre, les socialistes, en voulant apporter aux peuples les bienfaits de la république, ont souvent été à la base des conflits coloniaux.

N'a-t-on pas dit aux bidasses que "les voyages formaient la jeunesse" ? Diktat en partie tenu. Ils vont se familiariser avec leur nouveau vocabulaire : mechta, Inch Allah, mektoub, harka, katiba. La compagnie est devenue l'école Berlitz (L'apparition de mots d'origine arabe, fatwa, émir, etc., dans notre quotidien est-elle un indicateur fiable des bouleversements à venir ?). Après une année de service, les appelés ont droit à une permission de 3 semaines (en métropole, les congés payés sont alors de 4 semaines/an). Les appelés vont vite apprendre qu'il ne faut pas abandonner un camarade blessé sous peine de le retrouver atrocement mutilé, émasculé, égorgé ; parfois au cours d'un accrochage, des soldats d'origine algérienne lèvent leur fusil la crosse en l'air en signe de ralliement à l'ALN ; au petit matin, certains ont déserté avec leur arme. Ces actes seront en partie responsables de la défiance des Français à l'égard des Algériens. Pendant leurs loisirs, les appelés tapent le carton, écoutent le "transistor" (les chansons : "Quand un soldat" de Francis Lemarque, et "Le Déserteur de Boris Vian" sont interdites d'antenne), lisent et relisent le courrier reçu, et ils prennent des photos, tout en pensant au Père-cent, à la quille, et craignant de faire du "rabiot". Peu sont politisés.

Le 1 juin 1958, le Parlement investit le général de Gaulle, le 15 mai, c'est un général Salan enthousiaste qui adresse à la population réunie sur la Forum d'Alger un "Vive de Gaulle ! " tonitruant ; en septembre 59, de Gaulle propose aux Algériens la voie de l'autodétermination. Le 8 janvier 1961, les Français de métropole approuvent à 75 % le référendum sur l'autodétermination. Les années soixante annoncent le chant du cygne avec l'indépendance : du Mali - de la Mauritanie - du Tchad - de la République de centre Afrique - du Congo - du Cameroun - de Madagascar - du Sénégal - de la Côte d'Ivoire - de la Guinée. Qui se souvient aujourd'hui du Dahomey, du Togo, etc. ?

Le 22 avril 1961 marque le putsch des généraux et porte l'Organisation de l'Armée Secrète (OAS) sur les fonds baptismaux. "Soleil" (Salan) n'avait pas étudié cette forme de combat lors de son passage par l'école de guerre. L'issue en sera catastrophique. Jean-Marie Bastien Thiry sera fusillé pour être resté fidèle à son serment. Le conflit terminé en 62, on décompte 30 000 morts, la plupart sont de jeunes hommes âgés d'une vingtaine d'années. L'arrivée massive des pieds-noirs et celle moindre, des harkis en 1962, accentue le manque de logements. Les grands ensembles et les villes-nouvelles vont contribuer à l'extension des banlieues. La fin des trente glorieuses (45-73) va aggraver largement la tempérance de la population. Le regroupement familial (1974) va contribuer à l'accentuation de la pénurie de logements. Entre 1960 et 1975, la population est passée de 47 à 53 millions ; on compte alors 830 000 chômeurs, le choc pétrolier (conflit égypto-israélien) fait passer les prix du baril de 3 à 12 dollars pour atteindre 34 dollars en 79.

Le gouvernement lance le slogan " En France, on n'a pas de pétrole, mais on a des idées !..."

A SUIVRE : URBANISATION, ENSEIGNEMENT, INTÉGRATION

Le contenu de ces articles propose d'essayer de comprendre et de rendre intelligibles la situation que connait la France confrontée à une présence hostile depuis déjà plusieurs décennies. Cette grille de lecture ne prétend pas pour autant que les faits avancés puissent en exclure d'autres. Les propos servant de fil conducteur, aussi effrayants que manichéens, ne sauraient m'être attribués pour induire la réflexion du lecteur. Ils relèvent de l'histoire et de l'actualité.
Tous droits de reproduction et de représentation réservés. Toutes les informations reproduites (texte, photos, logos) sont protégées par des droits de propriété intellectuelle. Par conséquent, aucune de ces informations ne peut être reproduite, modifiée, rediffusée, traduite, exploitée commercialement ou réutilisée de quelque manière que ce soit sans l'accord préalable écrit de leur auteur.




°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°°

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire