vendredi 1 novembre 2019

Les débuts du parachutisme militaire français (1915-1946)

Le premier saut militaire français fut accompli par Constant Duclos le 17 novembre 1915 à partir d'un ballon et d'une altitude 1.000 mètres avec un parachute Bonnet (85 m2). Ce fusilier-marin allait effectuer 23 sauts afin de démontrer aux aérostiers et aux observateurs aériens la fiabilité du parachute. Au mois de septembre 1918, le commandant Evrard « arrache » à l'État-major la création d'une équipe de 8 parachutistes pour faire sauter une ligne de chemin de fer et des centrales électriques dans la vallée de la Meuse. La fin du conflit va rendre cette mission caduque. La Première Guerre mondiale terminée, le parachute a sauvé la vie à plus d'une centaine d'aérostiers ! Si le premier saut en parachute à partir d'un aéroplane en vol a eu lieu le 1 mars 1913 à Saint-Louis (Missouri) d'une altitude de 500 m, capitaine Albert Berry, les pilotes de la Grande Guerre n'en furent jamais équipés !
Le 10 juin 1929, un sous-officier appartenant au 33° Régiment d'aviation saute lors d'une fête aérienne à Mayence en présence des troupes alliées. L'année suivante, un stick d'une dizaine de parachutistes est largué derrière le dispositif ennemi au cours des grandes manœuvres, mais l'État-major français ne croît guère aux possibilités de cette nouvelle technique aéroportée. En 1935, la France n'excluant pas la possibilité d'un nouveau conflit avec l'Allemagne, l'État-major expédie trois officiers en URSS dans le cadre d'un rapprochement Franco-Soviétique avec pour mission d’étudier le parachutisme militaire soviétique appliqué au sauvetage individuel des aviateurs en difficultés. Pour en être breveté, il faut accomplir 12 sauts, le premier en ouverture automatique (OA), les huit suivants en ouverture commandée (OC) et les trois derniers en ouverture retardée (OR) de 3", 5" et 8 secondes.
Le capitaine Geille est chargé le 12 septembre 1935 de créer le Centre d'Instruction de Parachutisme. Selon la directive du ministre de l'Air : « il s'agit de former les futurs cadres qui seront ensuite chargés de l'instruction du personnel naviguant ». Fin 1935, une centaine de stagiaires provenant pour partie de l'armée de l'Air et de l'Aéronavale est rassemblée à Avignon-Pugaut. Le Centre dispose de deux appareils, un Lioré & Olivier 20 et un Potez 25, les « pépins » sont des Irvin type X (à voile d'abord de 58 m2, vitesse de descente 7 m/s) qui ont subi une série d'essais au Service technique de l'aéronautique à Garches. Le 20 mars 1936 douze élèves sont brevetés moniteurs.
En octobre 1936, le ministre Pierre Cot signe le décret officialisant la formation d'unités parachutistes, les Groupes d'Infanterie de l'Air. Les GIA sont : « destinés à transporter par avion et à débarquer par parachute en territoire ennemi des détachements d'infanterie ». Le premier stage, d'une durée de trois mois, regroupe une trentaine d'hommes qui va former l'ossature de l'instruction. Le brevet N°1 fut remis début février 1937. Pour être breveté parachutiste, il faut accomplir douze sauts d'une altitude de 600 mètres. Au mois d'avril, la promotion suivante saute d'un Potez 650, un aéronef capable d'emporter 16 « paras ». Lors de la fête de l'air à Villacoublay, les visiteurs sont stupéfiés, quarante parachutistes semblent « flotter » dans le ciel !
Au cours des grandes manœuvres de l'été 1937, deux cents parachutistes s'emparent du pont Mirabeau et quelques semaines plus tard d'un poste de commandement divisionnaire et à en capturer le général et son état-major. La France dispose alors du 601° GIA créé le 1 avril 1937 à Reins et du 602° en Algérie. L'URSS dispose elle de 36.000 parachutistes regroupés en unités de 500 hommes, les instructeurs sont formés à Touchino, les Allemands disposent eux du 1er régiment de fallschimjager qui sera bientôt suivi d'une division de chasseurs parachutistes. En 1938, un Français, le sergent-chef Fritz, enchaîne 12 sauts en 1h35 et le commandant Geille accompli un saut d'une altitude de 35 mètres avec un parachute à voile d'abord (suspentes d'abord = avion rapide).
Lorsque la Seconde Guerre mondiale éclate, l'arme parachutiste n'est pas opérationnelle. Les parachutistes vont constituer quatre Groupes Francs et se battre dans les Vosges aux côtés des Chasseurs Alpins. Les deux GIA sont dissous par Vichy. Le 25 juin, le capitaine Bergé qui a réussi à s'évader et à rejoindre Londres, demande audience au général de Gaulle. Il est convaincu de la nécessité de la création d'une unité parachutiste de la France Libre. Reçu par Passy au mois de juillet, celui-ci lui demande de rédiger une note de synthèse. Il s’agit de créer une compagnie parachutiste rattachée à l'armée de l'Air et orientée vers deux types d'activités, les missions individuelles destinées à la recherche du renseignement et les missions collectives avec des coups de main sur les arrières de l'adversaire en territoire occupé. Après lecture du mémorandum, le général de Gaulle donne son accord. Le 15 septembre 40, la 1° compagnie d'Infanterie de l'Air de la France Libre est portée sur les fonds baptismaux, elle est composée de deux officiers, quatre sous-officiers et de vingt hommes du rang.
Le premier agent français est largué dans les environs de Fontainebleau au clair de lune dans la nuit du 20 au 21 octobre 1940 afin d'évaluer la possibilité de l'implantation d'un réseau. Le mois suivant, la compagnie rejoint le centre parachutiste de Rinway pour y suivre un stage d’une durée de deux semaines. Pour en recevoir le brevet, il faut accomplir six sauts en ouverture automatique, le premier s'effectuant par la trappe d'un bombardier Whitley. Autre particularité, le parachutiste n'emporte pas de ventral (parachute de secours) ! Les premiers volontaires français reçoivent leur brevet britannique à Noël.
Dans la nuit du 16 mars 1941, cinq parachutistes de la France Libre sautent au-dessus de la Bretagne occupée. La mission « Savanna » consiste à attaquer, par surprise, un car circulant sur la route de Vanne en direction de l'aéroport de Meuçon avec à son bord des observateurs de l'armée allemande. Ces observateurs sont tous des spécialistes de la navigation aérienne de nuit, ils sont chargés de tracer la route aux bombardiers qui ensuite déchargeaient leurs cargaisons de bombes incendiaires sur Londres ! Suite à une erreur de largage, l'équipe se retrouve à une dizaine de kilomètres de la Dropping Zone (zone de saut) prévue ! Après 72 heures de surveillance, les hommes qui transportent chacun 10 kilos d'explosif doivent se rendre à l'évidence, l'autocar n'emprunte pas ce tronçon d'itinéraire. Ils ignoraient alors que le renseignement de l'Intelligence Service datait du mois de janvier et il était pé-ri-mé !
L'agent largué en territoire occupé est vêtu d’une combinaison de saut et emporte : des faux papiers d'identité - une dague commando - des rations - une lampe torche - une trousse de premiers secours - une carte d'évasion - ainsi qu'une minuscule boussole. Parvenu à proximité de la DZ, l'agent s'assoit au bord du puits de largage, les jambes dans le vide, et au signal lumineux se laissait glisser hors de l'appareil d'une hauteur d'environ 500 pieds (environ 150 mètres). Pas question en opération pour le largueur de « balancer » un mannequin dériveur qui permet d'estimer le point de largage ou point théorique d'ouverture. Le Siki ou Sikki et sur lequel beaucoup de passionnés s'interrogent..., est apparu dans les années vingt au Service Technique d'Aéronautique lors des tests du parachute de la société Blanquier. Pour s'affranchir du Sikki, on calcule la longueur de la DZ avec la formule D = R.T : D correspond à la distance en mètres - R à un rapport liée à la vitesse de l'avion (V. 0.51) - T la durée. Supposons que la mission consiste à larguer un stick de 12 parachutistes à partir d'un appareil volant à 110 nœuds (185 km/h). Sachant qu'il faut 6 secondes pour que les 12 parachutistes quittent l'avion, la DZ devra avoir une distance de 336 mètres (110 nœuds x 0.51 x 6) à laquelle on ajoute par mesure de sécurité, 100 mètres à chaque extrémité de la DZ.
Lors de sa descente, le parachute subit la force du vent, d'où une dérive latérale. La vitesse du vent ne doit par ailleurs pas dépasser certaines limites, en temps de paix et selon qu'il s'agit d'un saut sur terre, sur mer, ou d'une charge, la vitesse maximum au sol varie de 13 à 17 nœuds (30 en altitude). Il faut donc prendre en compte l'influence du vent : D = K.A.V, ou K correspond au coefficient de finesse de la voile (parachute), il vaut environ 4 pour un parachute standard (il peut atteindre 10 pour les voiles à caissons) - A est l'altitude en pieds - V la vitesse du vent en nœuds (1.852 m). Prenons les valeurs suivantes : vitesse du vent 10 nœuds et altitude de 800 pieds (D est égal à 328 mètres 4 x 8 x 10), si le vent souffle du sud-est, un premier point est tracé dans cet axe et à une distance de 328 m.
« Le stage qui dure 2 ou 3 semaines en 1940-41 pour effectuer 6 sauts, sera réduit à une semaine et à quatre sauts dont un à partir de ballon et un saut de nuit » (Franck Lambert). Au mois de juillet 41, la compagnie est divisée en deux pelotons, vingt-cinq parachutistes partent pour Exbury y suivre un stage d'agent de renseignement avant leur affectation au BCRAM dirigé par le colonel Passy. Le second peloton qui a reçu une instruction commando va donner naissance à la 1° compagnie de chasseurs parachutistes de la France Libre et rejoindre le Special Air Service en Égypte en fin d'année. Le French SAS va détruire 38 avions en Cyrenaïque et participer à un raid contre l'aéroport d'El-Alamein en juillet 42. Dans la poche d'André Zirnheld, un parachutistes de la France Libre tué au combat en Lybie, un texte, celui-ci va devenir « la Prière du parachutiste ».
La capacité à ravitailler une armée combattante en vivres, munitions et équipement reste un élément essentiel logistique, une division par exemple, a besoin de plusieurs milliers de tonnes/jour ! Lors du premier trimestre 1942, les forces allemandes sont bloquées par l'Armée rouge près de Kholm par une température de - 30°C ! Pendant près de trois mois, des Junkers vont leur aérolarguer des vivres, des munitions et des médicaments indispensables à la poursuite des combats. Les premiers ravitaillements parachutés franco-anglais eurent lieu sur la Somme et la Marne au cœur de l'été 1918.
Lors du débarquement en Normandie, les parachutistes de la 1° Armée aéroportée alliée, la plus grande formation de l'histoire, s'emparent des points névralgiques (les Allemands furent les premiers à utiliser les troupes aéroportées massivement au mois de mai 1940 lors de l'invasion des Pays Bas. Celui en Crête fut un échec, Hitler déclara : « l'ère des troupes aéroportées est terminée »). La guerre terminée, les parachutistes sont rattachés à l'armée de Terre, l'École des Troupes Aéroportée (ETAP) ouvre ses portes en 1946 dans la région de Pau. Le Brevet Militaire Parachutiste (une qualification Interarmées) est créé le 1 juin. Le général De Lattre impose en 1947 le béret amarante «couché» à gauche, la légion reste fidèle au béret vert ainsi que les commandos marines, mais «couché» à droite (à la britannique) pour ces derniers. Une base de données contenant 600.000 dossiers d'agents de la FL, de résistants et internés est disponible à l'adresse : 
https://www.memoiredeshommes.sga.defense.gouv.fr/fr/arkotheque/client/mdh/base_resistants/index.php. 
NdA : certaines précisions varient selon les auteurs, les sources et les époques... J’ai pris cependant le parti, comme d'habitude, de les maintenir non pour faire œuvre d’historien, ce que je suis pas, mais uniquement servir de jalons ou de repères.

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