lundi 23 février 2015

THANATOS, L'INSTINCT DE MORT (3) 


Un article paru dans le New-York Times du 16 janvier a braqué le projecteur sur une petite commune de l'Hérault, Lunel, un ancien bastion protestant qui compte 26 000 habitants. Depuis novembre 2013, une vingtaine de Lunellois ont rejoint la Syrie. À Lunel, comme à Cannes, Nice, Strasbourg, ou Toulouse, la police ne cesse de découvrir des cellules d'islamistes radicalisés, des filières d'acheminement, des caches d'armes, et des escroqueries destinées à financer l'acheminement des volontaires au djihad. Cette dynamique horizontale est susceptible de toucher toutes les villes et dans les mêmes proportions de 1 pour 10 000. Les membres de la Cellule de Lunel se sont, pour la plupart, connus au collège et ont renoué en fréquentant la mosquée El Baraka, proche du courant Tablighi Jamaat (Association pour la prédication), un mouvement rigoriste apparu en Inde en 1927 pour protéger l'identité musulmane indienne contre les assauts de l'hindouisme. Le mouvement s'est propagé ensuite à travers l'Empire britannique notamment au Pakistan voisin avant d'atteindre à la fin des années soixante le Royaume-Uni, où près de la moitié des mosquées est dirigée par les tablighis. Ce mouvement représenté en France par l'Association Foi et Pratique, contrôle une centaine de lieux de cultes fréquentés par des fidèles qui se refusent à porter une vêture occidentale. Le mouvement tabligh au contraire des Frères musulmans, ne vise pas un public instruit, mais une population déshéritée. Les Tabligh encouragent l'«islamisation par le bas" ou la "ré-islamisation" prônant une pratique individuelle proche de la vie menée par le Prophète. Ce courant invite les fidèles à constituer un « groupe de prière », au sein duquel les fidèles se retrouvent le soir, à créer ou à rejoindre une association caritative musulmane.

Le parcours d'Omar " Omsen" Diaby, un Sénégalais de 37 ans, est édifiant. Incarcéré en 2003 pour le braquage d'une bijouterie monégasque, il ressort de la maison d'arrêt de Nice quatre années plus tard, radicalisé. À peine la liberté recouvrée, il rejoint l'association Forzane Alizza (les cavaliers de la fierté) et crée un site Internet sur lequel il prêche l'hijra (le retour en terre d'Islam), organise des choura (réunions) dans un coin de la cité Bon-Voyage à l'est de Nice. Avant de pouvoir assister aux réunions, les fidèles se doivent de délaisser leur téléphone cellulaire à 300 mètres, dans une cache. Au mois de mars 2012, il attend une trentaine de frères pour l'ultime choura avant leur départ pour l'Afghanistan, via la Tunisie et la Libye, devant la gare de Nice lorsqu'il est interpellé. Les titulaires au bénéfice d'une double nationalité devaient utiliser leur passeport algérien, marocain, tunisien, pour qu'à leur retour, les autorités restent ignorantes de leur déplacement.

Les services de renseignement français soulignent que si "le développement de l'islam radical est régulièrement décrit dans les cités sensibles des grandes agglomérations", plusieurs départements ont observé l'installation en zone rurale de groupes de fidèles, souvent des convertis, adeptes d'un islam rigoriste. L'interprétation radicale de l'islam interdit la vie en pays "mécréants" et préconise la "Hijra" vers des terres musulmanes. À défaut de pouvoir ou vouloir quitter le territoire national, l'installation de communautés de vie peut constituer un palliatif. À Châteauneuf-sur-Cher (1.500 habitants), par exemple, l'imam d'obédience "tabligh" proche du salafisme, a demandé à ce qu'il y ait une entrée et une sortie réservées à l'école communale pour que les femmes musulmanes ne soient pas en contact avec les autres parents. À Saint-Uze (2000 habitants) dans la Drôme, les parents d'une famille de six enfants, nouvellement installée, refusent de scolariser leurs filles au collège. Ces filles portent le voile et vivent sous la surveillance permanente du père. Ces exemples ne sont pas isolés. Les services de renseignement s'inquiètent de cette déscolarisation, car ces rigoristes, loin des yeux et des regards, vivent dans une quasi-autarcie. Les musulmans locaux modérés parlent d'un mouvement sectaire.

Les jeunes Français musulmans issus de la quatrième génération succombent aux sirènes de l'islamisme radical. L'anthropologue Dounia Bouzar a rapporté comment une jeune fille avait vu son cousin issu d'une famille catholique non-pratiquante âgé de 18 ans, dont la mère était chef d'entreprise et le père cadre supérieur, basculer dans l'Islam : " Il n'écoute plus de musique, ne fait plus de sport, s'est coupé de ses copains. Il a arrêté de fumer, ne boit plus d'alcool. (...) Évidemment, il porte la barbe (...) cet été, il a fait le ramadan." Dounia Bouzar de poursuivre en citant les propos d'une mère à l'égard de sa fille de 17 ans : "Je l'ai vue changer en deux mois. À Noël dernier, elle a commencé à me dire qu'elle ne voulait pas de cadeaux (...) Elle qui était si coquette, a arrêté de se maquiller, d'enfiler des jeans étroits. Elle ne s'épile plus, n'utilise ni déodorant, ni parfum " à cause de l'alcool". Elle met un foulard qui lui cache le cou et les oreilles et porte des vêtements amples. Elle refuse de serrer la main à des hommes et ne voit plus de garçons de son âge."

Un dicton ne dit-il pas "il n'y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre" ? Il y a longtemps que le "feu" est passé à la couleur orange. Le Monde du 10 février 2007 écrivait dans un article " L'enseignement de l'arabe en France dans le public : 40 000 élèves du primaire bénéficient d'un enseignement de leur langue et culture d'origine. L'arabe est enseigné dans 238 collèges-lycées : 7 305 élèves, 222 professeurs. 6 550 élèves l'ont présenté au bac en 2005. (...) Les cours d'arabe de la Mairie de Paris "font le plein" chaque année. (...) Les cours à la mosquée sont saturés. (...) Diverses associations plus ou moins liées aux mosquées - intégristes ou modérées - proposent des cours de langues. (...) Palliant les carences de l'enseignement public, des collèges-lycées musulmans se créent pour enseigner l'arabe et sa culture. (...) L'encadrement social ou le soutien scolaire constituent le biais principal par lequel se développent les réseaux intégristes. (...) En 2003,quelques 65 000 enfants suivaient des cours non contrôlés par l'école publique. "Fermez le banc". Il est évident qu'il s'agit là d'enfants désireux de renouer avec leur histoire.

La France n'est pas le seul pays concerné par la radicalisation de certains individus. En novembre 2006, la directrice du MI5 annonçait que plus de 1600 personnes appartenant à quelques 200 groupes ou réseaux étaient surveillés par ses services. L'année suivante, une enquête de la BBC révélait que ce chiffre avait déjà augmenté de 25 % ! Un ancien enseignant d'une école londonienne fondée et gérée par le gouvernement Saoudien, a affirmé au Times, en février 2007, qu'un établissement enseignait à ses élèves que les chrétiens sont des " porcs" et les Juifs des "singes".

En Suisse, un dénommé Mohamed Achraf s'apprêtait à commettre des cambriolages pour financer l'achat de 500 kilos de dynamite en Espagne, lorsqu'il a été interpellé en novembre 2004 par la police Zurichoise. Le type d'explosif recherché était du même type que celui ayant été utilisé pour l'attentat de Madrid ! L'individu dirigeait un groupe d'une vingtaine de membres divisé en quatre cellules : explosifs - soutien - falsification - idéologie. Ce réseau était géré depuis l'Andalousie par un chef qui gérait chacune de ces cellules.

La facilité avec laquelle un semi-clandestin peut vivre et rester longtemps indétecté des services de sécurité dépend de la typologie du quartier, de ses occupations, de ses revenus, et de la niche ethnique. La société occidentale est sans conteste la plus perméable. On estime la vague migratoire à 200 000 individus par an, chiffres aux  quels viennent s'ajouter les clandestins et les nombreux mouvements transfrontaliers au titre de la libre circulation...

A SUIVRE : CES CHIFFRES QUE L'ON NOUS CACHE.



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