lundi 2 octobre 2017

AGORAVOX, carrefour d'expression

Le média participatif Agoravox apparu il y a une dizaine d'années est un moyen d'expression dont le contributeur actuel ne saurait être apparenté à un journaliste. Le contributeur informe rarement, sa contribution consistant souvent à diffuser une opinion, un avis personnel, une humeur appartenant au domaine de la doxa ; il n'est pas rémunéré, il ne relève pas d'un code de déontologie et n'est pas titulaire de la « brême » (carte professionnelle). La participation à AV repose-t-elle sur un fond d'altruisme humaniste de partage, d'influence de l'opinion, ou la recherche d'une gratification psychologique ?

Nous sommes en présence d'un champ de pouvoir conflictuel. On devine déjà comment peuvent être les visions de chacune des personnes impliquées : le contributeur - le lectorat - les annonceurs - les donateurs - le propriétaire du média ; certains portent d'ailleurs plusieurs « casquettes ». Le contenu d'AV n'est pas seulement l'affaire des personnes mentionnées, il dépend aussi des modérateurs et des lecteurs qui s'expriment en évaluant les articles, en les commentant, et des lecteurs « silencieux » qui ont cliqué pour lire le contenu ou seulement le parcourir.

Le contributeur, proche du chroniqueur, accomplit un travail individuel, aucune rédaction derrière lui, il propose aux lecteurs de partager un thème, libre aux modérateurs de l'accepter, au site de le mettre en ligne et au lecteur de le lire ou ne pas le lire. Le « courrier des lecteurs » en instantané peut contribuer à une fertilisation croisée et venir enrichir la réflexion ou dénaturer l'inter-relation établie. Les grilles de lecture sont souvent divergentes, chacun sait que le mot arbre n'évoque pas la même chose à tout le monde, le mécanicien, le poète, le bucheron ou le botaniste en ont tous un sens connoté. Certains aigris, frustrés, envieux, semblent ne tremper leur plume que dans le fiel, pourquoi sont ceux qui ne proposent jamais un « article » ? Sommes-nous en présence de critiques émises pour ne pas avoir à reconnaitre leur mal être existentiel et que nous avons tous besoin de « juger », de satisfaire notre curiosité, voire de nous évader d'un quotidien morne et insipide ?

Gratuité ne veut pas dire désintéressement, le fonctionnement d'un site qui nécessite ne fusse qu'un seul employé, a besoin de rentrées financières, nous sommes dans une logique économique. AV fait appel à la publicité et aux donateurs pour subvenir à ses frais de fonctionnement, puis il compte sur les contributeurs bénévoles pour la fourniture des articles. Avez-vous d'autres idées à proposer à part les petites annonces et sauf à vouloir détourner AV de sa fonction première en l'accaparant ? Cette gratuité n'est pas de la philanthropie, on pourrait paraphraser maître renard, tout lecteur lit aux dépens de celui qui écrit et qui publie.

La valeur d'un article, d'un livre ou d'un magazine n'est pas le reflet de son prix, elle repose sur le contenu, sa pertinence et l'intérêt que l'on y porte. En France, on a tendance dans une certaine partie de population, à déprécier ce qui est gratuit, il nous suffit de prendre l'exemple de l'école publique... Le client qui paie pour acheter son quotidien ou magazine habituel sans mot dire (ou le maudire), a la presse qu'il mérite puisqu'il l'entretient par sa contribution sonnante et trébuchante, et qu'il ne veut pas se déjuger. Dans le cas d'AV, le contenu est offert au lecteur gracieusement, si le contenu lui déplaît, libre à lui de passer son chemin pour se rendre au bar du coin afin de deviser avec un client lambda et cracher sa vindicte. Cet aspect qui reste incontournable pour l'instant, oriente tout le contenu et « camisole » le média. Si on n'y prend garde, AV risque d'avoir atteint sa limite d'audience(plafond de verre pour être dans l'air du temps). La diversité rédactionnelle est très restreinte, toujours les mêmes et sempiternels sujets. La publication le même jour de deux articles portant sur les mêmes sujet ad nauseam et par les mêmes personnes (prennent-elle le temps de dormir ?) donne à penser que les contributeurs manquent, que la modération fait défaut ou est submergée. Il suffirait parfois de vérifier qui est le contributeur et sur quels autres sites il publie pour en dresser un portrait chinois (qui n'en a que le nom) révélateur.

Que penser de ces « auteurs » qui proposent des articles rédactionnels (pub déguisée), de la publicité pour une banque..., ou un article plagié et qui s'étonnent de ne pas être publiés ? La modération est un garde-fou rendu nécessaire, mais le contributeur évincé a besoin de comprendre pourquoi on censure son travail. Tout n'est pas encore perdu pour l'auteur de l'article refusé ou qui traîne en « modé », il peut le proposer ailleurs (ce ne sont pas les sites qui manquent s'il n'est pas trop regardant...), le poster sur son blog, ou de les compiler avant de partir à la recherche d'une maison d'édition.

On fidélise un lectorat en n'écrivant pas pour soi ni pour la masse (propagande), sauf à être soumis à son égo ou à une idéologie, mais à son adresse afin de satisfaire un « désir » en partageant avec lui des informations différentes de celles que l'on peut lire ailleurs, n'est-ce pas là une marque de respect ? Les Agoravoxien(ne)s sont une représentation d'une réalité, si on veut sortir du moule actuel et de la morosité ambiante, il faut proposer une information digne de cette appellation et pourquoi pas divertissante (l'expression need to know et le nice to know résume assez justement mon approche, j'entends déjà certains éructer), sans oublier de la hiérarchiser, ce qui n'est pas une sinécure.

Le média doit s'efforcer de « coller » aux désidérata du plus grand nombre de lecteurs, ce qui doit être possible en faisant mouliner l'ordinateur sur les thèmes, les scores de lecture et le nombre de commentateurs (pas le nombre de réactions). Les articles de vulgarisation portant sur les sciences techniques ou humaines sont tout aussi rares que les femmes qui y sont sous représentées et trop souvent vilipendées. La « tambouille » actuelle me fait penser à un pot-au-feu auquel le chef aurait oublié d'y ajouter une pincée de sel. Des alliances et des rivalités de circonstance se nouent en coulisse en absence de toute éthique. Leur credo je t'attire afin de mieux te phagocyter.

La véritable question qui se pose, comment participer à un organe démocratique non dominé par un groupe quelconque afin de ne pas étouffer la libre expression ? On ne peut demander aux seuls contributeurs de vaincre les freins à l'extension du lectorat et assurer la modération (encore faut-il disposer de suffisamment de temps, idem pour répondre aux commentaires, et à condition que le contributeur est coché la case pour être averti de chaque nouveau post...), c'est la tâche de la communauté agoravoxienne, à la fois maître et esclave du média (relire La dialectique du maître et de l'esclave, Hegel, si vous en avez le loisir). La lecture comme l'écriture est une drogue dangereuse, et pour certains d'entre-nous un remède à la « bobologie » sociétale. Quelques uns semblent venir sur AV pour soigner leurs bleus à l'âme, cela n'en signifie pas pour autant qu'il leur faille espérer des miracles, sauf à être déçus. C'est la dose qui fait le poison.

Aucun média n'inspire autant de réactions et de procès d'intention que les médias gratuits. Souvenez-vous de l'arrivée des journaux gratuits et des manifestations qui en a résulté. Les autoroutes de l'information ont créé une demande, Agoravox a créé une « niche », mais aussi et surtout une culture qui donne sens à cette aventure qui rassemble des positions divergentes parfois scabreuses, car on n'a pas appris aux intervenants venant d'horizons différents à s'écouter et à se parler les uns les autres. Petit espoir..., les médias finissent toujours par échapper à leurs créateurs et par adapter leur fonctionnement aux réalités qui surgissent, on pourrait parler d'émancipation. Avec Internet et la possibilité d'accéder à distance de n'importe quel coin du monde à un média a de quoi inquiéter, surtout s'il est gratuit, sans abonnement et qu'il permet l'anonymat (des participants ont proposé que le code indispensable pour accéder à l'espace modération ne soit plus communiqué par courriel, mais par lettre à l'adresse postale de l'impétrant et valable pour un durée déterminée afin d'assurer un renouvellement continu de la modération).

Le multimédia permet à chaque média de se surpasser et de se démarquer, ne voilà-t-il pas un beau défi a relever et une invitation au libre partage ? Aucun d'entre-nous n'est indispensable, le contributeur propose, la modération dispose, et le directeur de publication décide, mais c'est souvent courir des risques biens plus grands que de ne pas savoir en prendre.


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