jeudi 11 avril 2013


UNE DRAMATIQUE DEMONSTRATION


Le 10 avril 2013 s'est ouvert le procès du drame survenu le 28 juin 2008. Ce week-end là, les militaires du 3e Régiment parachutiste d'infanterie de marine (RPIMA) avaient organisé des «journées portes ouvertes» pour célébrer le maintien de leur régiment à Carcassonne, et la passation de commandement entre le chef de colonel Merveilleux du Vignaux et son successeur, le colonel Perrin. Le dimanche 28 juin 2008, quelques militaires du groupe commando parachutiste simulent unes libération d'otages « en milieu hostile » devant un public familial réuni dans la cour de la caserne Laperrine. Vers 18 heures, dans le brouillard des fumigènes et le fracas des détonations, un sergent lâche une rafale de Famas en direction d'un " terroriste " qui a jailli parmi les spectateurs. Quinze civils et deux militaires s'écroulent fauchés par les tirs ! Pour le ministre de la Défense, une seule certitude prévaut « Il y a eu des fautes ou des manquements ».

Les autorités militaires ne s'expliquent pas comment l'auteur des tirs a fait feu à balles réelles au lieu de balles à blanc (son arme était équipée d'un bouchon de tir à blanc). « C'est typiquement le genre d'accident qui ne peut pas arriver. Jamais les munitions ne sont mélangées et les balles à blanc et les balles réelles ne sont pas de la même couleur" (...) « La réglementation impose de stocker les munitions à blanc (couleur grise) et les munitions réelles (de couleur verte) dans des soutes différentes », chaque caisse de munitions est stockée séparément dans des lieux sécurisés. Comment le sergent a-t-il pu être en possession de balles réelles et les confondre avec munitions à blanc ?

En principe, l'utilisation des munitions fait l'objet d'une surveillance stricte avec le décompte des étuis utilisés et ceux ramassés. L'enquête de gendarmerie a mis au jour la présence de 5 200 munitions (six caisses) détenues illégalement, et a révélé que les procédures de contrôles ont été contournées. « Conformément à une pratique répandue dans les unités d'élite, ce stock « avait été constitué, d'une part, pour éluder la lourde procédure militaire de réintégration des munitions non utilisées, d'autre part, pour permettre aux membres du commando de disposer immédiatement pour certains exercices d'un supplément de munitions ». Cette pratique porte un nom " la graille", et peut tout aussi bien concerner les explosifs, dont la comparaison entre la quantité remise et utilisée reste impossible.

On ne naît pas militaire pas plus qu'autre chose. Durant notre existence, par choix, par formatage familial, social, ou par un hasard de la vie, on devient ce qu'on a décidé de devenir. Le militaire qui a " choisi " son secteur d'activité continue d'apprendre tout au long de sa carrière, et tend à améliorer toutes ses aptitudes, ses méthodes, ses techniques, et l'institution, son image.

L'objectif entre la démonstration et l'accomplissement de la mission est différent. Durant l'instruction, le militaire a pour objectif de réussir pour soi, tandis que dans ses missions son attention est dirigée sur la situation. Par contre, quelle que soit la profession que l'on exerce, toutes les personnes qui ont une performance à accomplir (atteindre un objectif), suivent un déroulement similaire. Qu'il s'agisse :
  • d'un pompier qui secoure une personne des flammes ;
  • d'un militaire qui affronte une embuscade ;
  • d'un maître nageur qui sauve un enfant de la noyade ;
  • d'un négociateur qui résout une prise d'otages.
Tous, ont l'obligation morale de résultat, et quasiment tous utilisent une méthode qui vise à leur donner un cadre de référence.
Le militaire peut se trouver confronté à une situation ouverte, c'est-à-dire qu'il ne connaît pas à l'avance le déroulement de la situation à venir. Par contre, dès qu'une hostilité apparaît, il se trouve face à une situation fermée. Il sait par avance ce qu'il doit faire. Peu importe qu'il faille faire face à un ou plusieurs problèmes humains ou impersonnels (obstacle physique) simultanés. Le drame survenu a démontré qu'un automatisme acquis dans le cadre du combat, exclut l'action consciente, ce qui n'est pas toujours sans danger.
L'instruction est avant tout une relation et une démarche pédagogique visant à transmettre : des savoirs, des savoir-faire (des compétences professionnelles) et des savoir-être conformes à l'image de la fonction. De prime abord, cela semble simple, mais dans la réalité quotidienne cela nécessite des compétences, pas seulement militaires. La démonstration a été montée pour éveiller l'intérêt du public en rendant concret la théorie par des applications pratiques. La simulation présente des particularités, principalement, la difficulté à mettre sur pied" l'exercice, le développement de la compétition entre les apprenants, et la nécessité d'un cadre et de matériel adaptés à la mise en situation. Ce qui n'est peut-être pas aussi évident qu'il y parait.
La démonstration publique repose sur la dynamique de groupe, mais elle doit viser la sécurité et la sûreté. La présence d'un public modifie et altère le comportement militaire, le transformant en acteur d'un jour. Certains vont alors éprouver le besoin de renforcer certains traits de personnalité à travers un comportement fantasmé :
  • le besoin à se différencier ou se valoriser ;
  • besoin de se surpasser ;
  • le goût du risque ;
  • attrait pour une épreuve valorisante, etc.
Traits que l'on retrouve dans d'autres activités " à risques". En fait, tous ne recherchent pas le danger pour le danger, mais ils cherchent à échapper au risque en le dominant, en l'apprivoisant. Leur courage, leur sang froid, leur technique, ne doivent un jour faillir.

Six militaires accablés se retrouvent sur le banc des prévenus face aux juges du tribunal correctionnel de Montpellier, confrontés aux victimes. Les prévenus inculpés pour "blessures involontaires"encourent deux ans de prison et 30.000€ d'amende. La responsabilité de l'institution sera-t-elle, seulement évoquée ?

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire