Le média participatif
Agoravox apparu il y a une dizaine d'années est un moyen
d'expression dont le contributeur actuel ne saurait être apparenté
à un journaliste. Le contributeur informe rarement, sa contribution
consistant souvent à diffuser une opinion, un avis personnel, une
humeur appartenant au domaine de la doxa ; il n'est pas rémunéré,
il ne relève pas d'un code de déontologie et n'est pas titulaire de
la « brême » (carte
professionnelle). La participation à AV repose-t-elle sur un fond
d'altruisme humaniste de partage, d'influence de l'opinion, ou la
recherche d'une gratification psychologique ?
Nous sommes en présence
d'un champ de pouvoir conflictuel. On devine déjà comment peuvent
être les visions de chacune des personnes impliquées : le
contributeur - le lectorat - les annonceurs - les donateurs - le
propriétaire du média ; certains portent d'ailleurs plusieurs «
casquettes ». Le contenu d'AV n'est pas
seulement l'affaire des personnes mentionnées, il dépend aussi des
modérateurs et des lecteurs qui s'expriment en évaluant les
articles, en les commentant, et des lecteurs «
silencieux » qui ont cliqué pour lire le
contenu ou seulement le parcourir.
Le contributeur, proche
du chroniqueur, accomplit un travail individuel, aucune rédaction
derrière lui, il propose aux lecteurs de partager un thème, libre
aux modérateurs de l'accepter, au site de le mettre en ligne et au
lecteur de le lire ou ne pas le lire. Le «
courrier des lecteurs » en instantané
peut contribuer à une fertilisation croisée et venir enrichir la
réflexion ou dénaturer l'inter-relation établie. Les grilles de
lecture sont souvent divergentes, chacun sait que le mot arbre
n'évoque pas la même chose à tout le monde, le mécanicien, le
poète, le bucheron ou le botaniste en ont tous un sens connoté.
Certains aigris, frustrés, envieux, semblent ne tremper leur plume
que dans le fiel, pourquoi sont ceux qui ne proposent jamais un «
article » ? Sommes-nous en présence de
critiques émises pour ne pas avoir à reconnaitre leur mal être
existentiel et que nous avons tous besoin de «
juger », de satisfaire notre curiosité,
voire de nous évader d'un quotidien morne et insipide ?
Gratuité ne veut pas
dire désintéressement, le fonctionnement d'un site qui nécessite
ne fusse qu'un seul employé, a besoin de rentrées financières,
nous sommes dans une logique économique. AV fait appel à la
publicité et aux donateurs pour subvenir à ses frais de
fonctionnement, puis il compte sur les contributeurs bénévoles pour
la fourniture des articles. Avez-vous d'autres idées à proposer à
part les petites annonces et sauf à vouloir détourner AV de sa
fonction première en l'accaparant ? Cette gratuité n'est pas de la
philanthropie, on pourrait paraphraser maître renard, tout
lecteur lit aux dépens de celui qui écrit et qui publie.
La valeur d'un article,
d'un livre ou d'un magazine n'est pas le reflet de son prix, elle
repose sur le contenu, sa pertinence et l'intérêt que l'on y porte.
En France, on a tendance dans une certaine partie de population, à
déprécier ce qui est gratuit, il nous suffit de prendre l'exemple
de l'école publique... Le client qui paie pour acheter son quotidien
ou magazine habituel sans mot dire (ou le maudire), a la presse qu'il
mérite puisqu'il l'entretient par sa contribution sonnante et
trébuchante, et qu'il ne veut pas se déjuger. Dans le cas d'AV, le
contenu est offert au lecteur gracieusement, si le contenu lui
déplaît, libre à lui de passer son chemin pour se rendre au bar du
coin afin de deviser avec un client lambda et cracher sa vindicte.
Cet aspect qui reste incontournable pour l'instant, oriente tout le
contenu et « camisole »
le média. Si on n'y prend garde, AV risque d'avoir atteint sa limite
d'audience(plafond de verre pour être dans l'air du temps). La
diversité rédactionnelle est très restreinte, toujours les mêmes
et sempiternels sujets. La publication le même jour de deux articles
portant sur les mêmes sujet ad nauseam et par les mêmes
personnes (prennent-elle le temps de dormir ?) donne à penser que
les contributeurs manquent, que la modération fait défaut ou est
submergée. Il suffirait parfois de vérifier qui est le contributeur
et sur quels autres sites il publie pour en dresser un portrait
chinois (qui n'en a que le nom) révélateur.
Que penser de ces «
auteurs » qui proposent des
articles rédactionnels (pub déguisée), de la publicité pour une
banque..., ou un article plagié et qui s'étonnent de ne pas être
publiés ? La modération est un garde-fou rendu nécessaire, mais le
contributeur évincé a besoin de comprendre pourquoi on censure son
travail. Tout n'est pas encore perdu pour l'auteur de l'article
refusé ou qui traîne en « modé »,
il peut le proposer ailleurs (ce ne sont pas les sites qui manquent
s'il n'est pas trop regardant...), le poster sur son blog, ou de les
compiler avant de partir à la recherche d'une maison d'édition.
On fidélise un lectorat
en n'écrivant pas pour soi ni pour la masse (propagande), sauf à
être soumis à son égo ou à une idéologie, mais à son adresse
afin de satisfaire un « désir »
en partageant avec lui des informations différentes de celles que
l'on peut lire ailleurs, n'est-ce pas là une marque de respect ? Les
Agoravoxien(ne)s sont une représentation d'une réalité, si on veut
sortir du moule actuel et de la morosité ambiante, il faut proposer
une information digne de cette appellation et pourquoi pas
divertissante (l'expression need to know et le nice to know
résume assez justement mon approche, j'entends déjà certains
éructer), sans oublier de la hiérarchiser, ce qui n'est pas une
sinécure.
Le média doit s'efforcer
de « coller »
aux désidérata du plus grand nombre de lecteurs, ce qui doit être
possible en faisant mouliner l'ordinateur sur les thèmes, les scores
de lecture et le nombre de commentateurs (pas le nombre de
réactions). Les articles de vulgarisation portant sur les sciences
techniques ou humaines sont tout aussi rares que les femmes qui y
sont sous représentées et trop souvent vilipendées. La «
tambouille » actuelle me fait
penser à un pot-au-feu auquel le chef aurait oublié d'y ajouter une
pincée de sel. Des alliances et des rivalités de circonstance se
nouent en coulisse en absence de toute éthique. Leur credo je
t'attire afin de mieux te phagocyter.
La véritable question
qui se pose, comment participer à un organe démocratique non dominé
par un groupe quelconque afin de ne pas étouffer la libre expression
? On ne peut demander aux seuls contributeurs de vaincre les freins à
l'extension du lectorat et assurer la modération (encore faut-il
disposer de suffisamment de temps, idem pour répondre aux
commentaires, et à condition que le contributeur est coché la case
pour être averti de chaque nouveau post...), c'est la tâche
de la communauté agoravoxienne, à la fois maître et esclave du
média (relire La dialectique du maître et de l'esclave,
Hegel, si vous en avez le loisir). La lecture comme l'écriture est
une drogue dangereuse, et pour certains d'entre-nous un remède à la
« bobologie »
sociétale. Quelques uns semblent venir sur AV pour soigner leurs
bleus à l'âme, cela n'en signifie pas pour autant qu'il leur faille
espérer des miracles, sauf à être déçus. C'est la dose qui fait
le poison.
Aucun média n'inspire
autant de réactions et de procès d'intention que les médias
gratuits. Souvenez-vous de l'arrivée des journaux gratuits et des
manifestations qui en a résulté. Les autoroutes de l'information
ont créé une demande, Agoravox a créé une «
niche », mais aussi et surtout une culture
qui donne sens à cette aventure qui rassemble des positions
divergentes parfois scabreuses, car on n'a pas appris aux
intervenants venant d'horizons différents à s'écouter et à se
parler les uns les autres. Petit espoir..., les médias finissent
toujours par échapper à leurs créateurs et par adapter leur
fonctionnement aux réalités qui surgissent, on pourrait parler
d'émancipation. Avec Internet et la possibilité d'accéder à
distance de n'importe quel coin du monde à un média a de quoi
inquiéter, surtout s'il est gratuit, sans abonnement et qu'il permet
l'anonymat (des participants ont proposé que le code indispensable
pour accéder à l'espace modération ne soit plus communiqué par
courriel, mais par lettre à l'adresse postale de l'impétrant et
valable pour un durée déterminée afin d'assurer un renouvellement
continu de la modération).
Le multimédia permet à
chaque média de se surpasser et de se démarquer, ne voilà-t-il pas
un beau défi a relever et une invitation au libre partage ? Aucun
d'entre-nous n'est indispensable, le contributeur propose, la
modération dispose, et le directeur de publication décide, mais
c'est souvent courir des risques biens plus grands que de ne pas
savoir en prendre.
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