STALINE, le plus gros contributeur financier de la révolution bolchevique
Dans
la matinée du 13 juin 1907, une vingtaine d'escarpes géorgiens
rejoint la place d'Erevan de Tiflis (Géorgie) avant de s'y
disperser, chacun de rejoindre l'emplacement qui lui a été assigné
pour réaliser le plus grand hold-up d'alors. Staline a peaufiné
l'attaque de la voiture transportant les fonds destinés à la Banque
d'État pendant des semaines avant d'en avertir Lénine réfugié en
Finlande qui a besoin de fonds afin de poursuivre son travail
révolutionnaire.
Le
convoi arrive soulevant un nuage de poussière, les cavaliers
encadrent la malle-poste hippomobile suivie d'une voiture remplie de
policiers, les hommes de mains de Staline lancent des grenades
puissantes sous la malle-poste et le véhicule d'escorte, tandis que
des tireurs éliminent les Cosaques de faction devant l'Hôtel de
ville. Le chaos est total. Le cheval apeuré détale au grand galop,
un homme a le courage de s'en rapprocher pour lancer une nouvelle
grenade qui explose sous l'animal, un comparse rejoint aussitôt par
un groupe de femmes appartenant à la bande, transportent les sacs
dans une calèche qui file les dissimuler dans l'arrière cour d'un
immeuble où une femme les récupère pour les dissimuler dans un
matelas, avant d'aller le replacer sur le lit du directeur de
l'observatoire de météorologie ! L'attaque a fait une quarantaine
de morts et une cinquantaine de blessés, parmi les victimes figurent
des Cosaques mais aussi de nombreux civils. Aucun bandit ne fut
capturé, chacun de se replier par un itinéraire différent. Le «
coup »
a été rendu possible par un employé qui a révélé à Sosso
(cryptonyme de Staline) que l'établissement attendait plus d'un
million de roubles pour le 13 juin. Une partie du butin fut blanchi
par l'intermédiaire du Crédit Lyonnais et acheminé à l'étranger.
Celui que l'Histoire allait populariser sous le nom de Staline, à
savoir Iossif Vissarionovitch Djougachvili, n'a pas participé à
l'action, celui que l'on nomme «
Sosso »
prépare et dirige sa bande à la façon d'un parrain.
Iossif,
le troisième de la fratrie, né officiellement le 21 décembre 1879
à Gori, serait né en réalité le 6 décembre 1878, son père un
cordonnier et homme violent pourrait bien ne pas être son géniteur,
Iossif a des origines ossétes, ethnie haïe en Géorgie. En
1888, sa mère décide de l'inscrire à l'École paroissiale pour
qu'il devienne évêque. Bon élève, il y fut repéré pour son
beau filet de voix, il devint un enfant de chœur attitré qui
n'aurait manqué une messe avec pour rien au monde. Élève brillant
mais désargenté, une bourse lui fut octroyée. Au mois de janvier
1890 Sosso fut blessé en tentant de s'accrocher à un attelage, jeu
en vogue parmi les enfants, il s'en tira avec un bras estropié à
jamais. Cette même année, il dut apprendre le russe, langue rendue
obligatoire, et assista impuissant à l'interdiction du géorgien et
de sa culture au sein de l'établissement, il en éprouva un fort
ressentiment. Sosso fut ébranlé lorsqu'il dû assister comme les
autres élèves, à la pendaison de voleurs de bétail, des paysans
sans le sou. Sosso surprit ses camarades en déclarant que Dieu
n'existait pas, sinon comment expliquer autant d'injustices ? Fin de
l'année scolaire de 1893, Sosso réussit son passage au séminaire
de Tiflis, un établissement fréquenté majoritairement par des fils
de popes et de la noblesse. Le séminaire allait contribuer
involontairement à sa formation révolutionnaire.
Sosso
commença à publier des poèmes dans un journal géorgien qui
séduiront l'employé de banque d'État qui, plus tard, allait lui
indiquer le «
coup ».
Pendant ce temps, Sosso dévorait en cachette des livres interdits :
Victor Hujo,
Zola,
Balzac, Dostoïevski, puis Le Capital de Karl Marx, ouvrage qui le
motiva pour apprendre la langue de Goethe. Surpris en pleine lecture,
il fut puni, son classement s'en ressenti, il commença à perdre
tout intérêt pour les études religieuses, pire ! il adhéra au
Parti ouvrier social démocrate de Russie au cœur de l'été 1898.
L'année suivante il était renvoyé pour ne pas s'être présenté
aux examens, et une vingtaine de séminaristes furent exclus pour
activités révolutionnaires. Sosso entra en clandestinité comme il
était entré en religion, avec autant de ferveur, ce qui explique
peut-être la politique anticléricale qu'il allait conduire jusqu'en
1943 (rétablissement du Patriarcat afin de ressouder le patriotisme
russe contre l'Allemagne). Le 1 mai 1900, Sosso et quelques camarades
organisèrent la mobilisation des ouvriers géorgiens qui paralysa la
ville où il fut repéré comme meneur par la police du Tsar qui le
surnomma le «
Vérolé »
en raison de son visage grêlé suite à une variole. A la même
époque, un autre agitateur était à l'œuvre dans une autre ville,
Bronstein alias Trotski, et nombre de révolutionnaires lisaient
Iskra
(étincelle), le journal de Lénine.
Au
mois d'avril 1901, plusieurs milliers de travailleurs mécontents
porteurs de vêtements rembourrés entonnèrent la Marseillaise,
celle-ci à peine terminée, des échauffourées éclatèrent avec
les Cosaques ; les vêtements épais avaient été recommandés pour
amortir les coups... La loi martiale entra en vigueur et l'Okhrana,
ancêtre de la Tcheka, était fermement décidé à écraser le
mouvement dans l'œuf. Sosso allait vivre désormais dans
clandestinité et faire usage de dizaines de pseudonymes, changer
d'adresse régulièrement ainsi que de tenue, et aussi souvent
d'apparence, parfois déguisé en femme. Cette vie de conspiration a
très certainement contribué à sa paranoïa. C'est à cette époque
qu'il commença à penser qu'il disposait d'un sixième sens
infaillible pour repérer les traitres...
La
ville de Batoumi fut couverte de tracts, des indicateurs et des
directeurs d'usines furent assassinés, les hommes de mains de Sosso
étaient à l'œuvre. Au mois de janvier 1902, les sites pétroliers
des Rothschild et les sites des Nobel étaient en flammes. Fin
février, les Rothschild licencièrent plus de trois-cents ouvriers
qui se soulevèrent ; les meneurs furent emprisonnés et ceux qui
tentèrent de les délivrer furent pris sous les tirs nourris de
mitrailleuses. La police apprit que Sosso était l'instigateur des
troubles, interpellé au mois d'avril, il fut condamné au mois
d'octobre à trois années d'exil en Sibérie. Les mesures d'exil
d'alors ne peuvent être comparées aux futurs goulags staliniens, il
était possible de s'en évader à condition de disposer d'un pécule
et de vêtements adaptés à la saison et aux contrées traversées.
Le
2 janvier 1905, Port Arthur se rendait au Japonais, une semaine plus
tard des milliers d'ouvriers conduit par Gapone défilaient à
Saint-Pétersbourg pour remettre au Tsar une pétition dont ils
ignoraient tout du contenu. Deux-cents manifestants seront tués au
cours de ce «
Dimanche sanglant »
qui allait enflammer la Russie. Le père Gapone recherché par la
police, se réfugiera chez Gorki avant de rejoindre la Suisse où il
rencontrera Lénine. Pendant ce temps, Sosso créait les escadrons
de combat rouges
en Géorgie qui allaient tendre des embuscades aux troupes fidèles
au Tsar, piller les banques, exécuter les informateurs et les
traitres, sans oublier de faire «
cracher »
au bassinet les entreprises pour leur propre sécurité... Au mois
d'octobre, les bolcheviques et les mencheviques s'entendirent pour
accroître la pression contre le régime. Le 26 novembre, Sosso fut
désigné pour représenter la Transcaucasie à une conférence
bolchevique à Saint-Pétersbourg où il fut accueilli par
Kroupskaïa, l'épouse de Vladimir Ilitch Oulianov alias Lénine, qui
lui remit un viatique afin de lui permettre de rejoindre la Finlande
où il arriva le 24 décembre, période que choisirent les
bolcheviques moscovites pour se soulever, le sang coula. Trotski
arriva à Saint-Pétersbourg sous le nom de Yanowski en compagnie de
sa femme et de Parvus. Le trio sera arrêté et condamné en 1906 à
l'exil à vie, exil dont-ils s'évaderont et parviendront à
rejoindre l'Europe.
Entre
temps, Sosso était reparti pour Tiflis y reconstituer un nouvel
escadron
avec
pour mission : l'évasion des prisonniers - s'emparer d'armes -
attaquer les banques - éliminer les traitres. «
L'Equipe
»
allait attaquer un train transportant la paye des mineurs et en
reverser la plus grande partie à Lénine, n'en conservant qu'une
faible partie pour préparer les «
expropriations »
(vols) à venir et financer l'impression des journaux clandestins. Le
4 avril 1906, Sosso embarquait pour assister au IVe Congrès à
Stockholm (Suède) où il rencontrera Félix Dzerjinski, le futur
fondateur de la sinistre Tcheka.
Au
mois de juin, la Russie lançait l'emprunt international destiné à
renflouer ses caisses, deux milliards de francs, emprunt qui laissera
un triste souvenir à nos aïeux et qui sera utilisé pour la
construction du transsibérien... Le 20 septembre, des hommes de
Sosso embarquèrent à bord du vapeur Tsarévitch
Gueorgui
et s'emparèrent au milieu de la nuit des fonds appartenant au Trésor
qu'il transportait ! Quelques jours plus tard un émissaire
accomplissait une périple en Europe : Paris, Liège, Berlin pour y
faire l'acquisition d'armes, la cargaison disparaitra avec le navire
lors d'un échouage en mer Noire. L'émissaire fut envoyé auprès de
Lénine et en revint avec quelques grenades.
Au
mois de mai 1907, Sosso assistait au Ve Congrès à Londres qui
réunissait : bolchéviques, menchéviques, bundistes, Lituaniens
(Polonais), et Lettons, c'est à cette occasion qu'il fit la
connaissance de Trotsky Si les bolchéviques et les mencheviks
s'étaient entendus pour assassiner le général Fiodor Griazanov, la
terreur du Caucase, la lune de miel était terminée. Les
menchéviques adoptèrent la résolution qui condamnait les attaques
de banques assortie de l'exclusion du parti. Sosso transmit la
résolution au Comité bolchévique de Tilfis, les exécutants
démissionnèrent du Parti avec l'accord tacite de Lénine qui avait
approuvé l'attaque à venir. Sosso était de retour à Tilfis le 12
juin, la veille de l'attaque qui allait rapporter deux cent cinquante
mille roubles. La police annonça que les numéros fiduciaires des
billets de 500 roubles avaient été relevés ! Après en avoir
maquillé les numéros et blanchi une partie, Sosso conserva quinze
mille roubles pour ses actions en préparation, le solde fut transmis
à Lénine.
Le
22 novembre, la jeune femme que Sosso avait épousé dans la nuit du
16 juillet 1906, Kato Svanidze, décédait du typhus à l'âge de 22
ans dans les bras de son mari, laissant un enfant. Le futur Staline
(homme de fer) en fut très fortement ébranlé et son caractère
s'en ressenti, on parlerait aujourd'hui à son égard de
décompensation psychologique, Sosso allait devenir «
Koba ».
Lénine quittait la Russie au mois de décembre 1907 pour échapper à
l'arrestation. La première révolution était défaite. En 1908,
Koba fut arrêté et incarcéré à la prison de Bakou avant d'être
banni, non pas en Sibérie, mais en Russie occidentale d'où il
s'échappera en 1909 avant d'être de nouveau repris. Entre 1908 et
1917, il ne connaîtra que dix-huit mois de liberté. Le second
épisode de la révolution bolchevique se préparait.
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