THANATOS,
L'INSTINCT DE MORT (3)
Un article paru dans le New-York
Times du 16 janvier a braqué le projecteur sur une petite commune de
l'Hérault, Lunel, un ancien bastion protestant qui compte 26 000
habitants. Depuis novembre 2013, une vingtaine de Lunellois ont
rejoint la Syrie. À Lunel, comme à Cannes, Nice, Strasbourg, ou
Toulouse, la police ne cesse de découvrir des cellules d'islamistes
radicalisés, des filières d'acheminement, des caches d'armes, et
des escroqueries destinées à financer l'acheminement des
volontaires au djihad. Cette dynamique horizontale est susceptible de
toucher toutes les villes et dans les mêmes proportions de 1 pour
10 000. Les membres de la Cellule de Lunel se sont, pour la
plupart, connus au collège et ont renoué en fréquentant la mosquée
El Baraka, proche du courant Tablighi Jamaat (Association pour la
prédication), un mouvement rigoriste apparu en Inde en 1927 pour
protéger l'identité musulmane indienne contre les assauts de
l'hindouisme. Le mouvement s'est propagé ensuite à travers l'Empire
britannique notamment au Pakistan voisin avant d'atteindre à la fin
des années soixante le Royaume-Uni, où près de la moitié des
mosquées est dirigée par les tablighis. Ce mouvement représenté
en France par l'Association Foi et Pratique, contrôle une centaine
de lieux de cultes fréquentés par des fidèles qui se refusent à
porter une vêture occidentale. Le mouvement tabligh au contraire des
Frères musulmans, ne vise pas un public instruit, mais une
population déshéritée. Les Tabligh encouragent l'«islamisation
par le bas" ou la "ré-islamisation" prônant une
pratique individuelle proche de la vie menée par le Prophète. Ce
courant invite les fidèles à constituer un « groupe de prière »,
au sein duquel les fidèles se retrouvent le soir, à créer ou à
rejoindre une association caritative musulmane.
Le
parcours d'Omar " Omsen" Diaby, un Sénégalais de 37 ans,
est édifiant. Incarcéré en 2003 pour le braquage d'une bijouterie
monégasque, il ressort de la maison d'arrêt de Nice quatre
années plus tard, radicalisé. À peine la liberté recouvrée, il rejoint l'association Forzane Alizza (les cavaliers de la
fierté) et crée un site Internet sur lequel il prêche l'hijra (le
retour en terre d'Islam), organise des choura (réunions) dans un
coin de la cité Bon-Voyage à l'est de Nice. Avant de pouvoir
assister aux réunions, les fidèles se doivent de délaisser leur téléphone cellulaire à 300 mètres, dans une cache. Au mois
de mars 2012, il attend une trentaine de frères pour l'ultime choura
avant leur départ pour l'Afghanistan, via la Tunisie et la Libye,
devant la gare de Nice lorsqu'il est interpellé. Les titulaires au
bénéfice d'une double nationalité devaient utiliser leur passeport
algérien, marocain, tunisien, pour qu'à leur retour, les autorités
restent ignorantes de leur déplacement.
Les
services de renseignement français soulignent que si "le
développement de l'islam radical est régulièrement décrit dans
les cités sensibles des grandes agglomérations", plusieurs
départements ont observé l'installation en zone rurale de groupes
de fidèles, souvent des convertis, adeptes d'un islam rigoriste.
L'interprétation radicale de l'islam interdit la vie en pays
"mécréants" et préconise la "Hijra" vers des
terres musulmanes. À défaut de pouvoir ou vouloir quitter le
territoire national, l'installation de communautés de vie peut
constituer un palliatif. À Châteauneuf-sur-Cher (1.500 habitants),
par exemple, l'imam d'obédience "tabligh" proche du
salafisme, a demandé à ce qu'il y ait une entrée et une
sortie réservées à l'école communale pour que les
femmes musulmanes ne soient pas en contact avec les autres parents. À
Saint-Uze (2000 habitants) dans la Drôme, les parents d'une famille
de six enfants, nouvellement installée, refusent de scolariser leurs
filles au collège. Ces filles portent le voile et vivent sous la
surveillance permanente du père. Ces exemples ne sont pas isolés.
Les services de renseignement s'inquiètent de cette déscolarisation,
car ces rigoristes, loin des yeux et des regards, vivent dans une
quasi-autarcie. Les musulmans locaux modérés parlent d'un mouvement
sectaire.
Les
jeunes Français musulmans issus de la quatrième génération
succombent aux sirènes de l'islamisme radical. L'anthropologue
Dounia Bouzar a rapporté comment une jeune fille avait vu son cousin
issu d'une famille catholique non-pratiquante âgé de 18 ans, dont
la mère était chef d'entreprise et le père cadre supérieur,
basculer dans l'Islam : " Il n'écoute plus de musique, ne fait
plus de sport, s'est coupé de ses copains. Il a arrêté de fumer,
ne boit plus d'alcool. (...) Évidemment, il porte la barbe (...) cet
été, il a fait le ramadan." Dounia Bouzar de poursuivre en
citant les propos d'une mère à l'égard de sa fille de 17 ans : "Je
l'ai vue changer en deux mois. À Noël dernier, elle a commencé à
me dire qu'elle ne voulait pas de cadeaux (...) Elle qui était si
coquette, a arrêté de se maquiller, d'enfiler des jeans étroits.
Elle ne s'épile plus, n'utilise ni déodorant, ni parfum " à
cause de l'alcool". Elle met un foulard qui lui cache le cou et
les oreilles et porte des vêtements amples. Elle refuse de serrer la
main à des hommes et ne voit plus de garçons de son âge."
Un
dicton ne dit-il pas "il n'y a pire sourd que celui qui ne veut
pas entendre" ? Il y a longtemps que le "feu" est
passé à la couleur orange. Le Monde du 10 février 2007 écrivait
dans un article " L'enseignement de l'arabe en France dans le
public : 40 000 élèves du primaire bénéficient d'un
enseignement de leur langue et culture d'origine. L'arabe est
enseigné dans 238 collèges-lycées : 7 305 élèves, 222
professeurs. 6 550 élèves l'ont présenté au bac en 2005. (...)
Les cours d'arabe de la Mairie de Paris "font le plein"
chaque année. (...) Les cours à la mosquée sont saturés. (...)
Diverses associations plus ou moins liées aux mosquées -
intégristes ou modérées - proposent des cours de langues. (...)
Palliant les carences de l'enseignement public, des collèges-lycées
musulmans se créent pour enseigner l'arabe et sa culture. (...)
L'encadrement social ou le soutien scolaire constituent le biais
principal par lequel se développent les réseaux intégristes.
(...) En 2003,quelques 65 000 enfants suivaient des cours
non contrôlés par l'école publique. "Fermez le banc". Il
est évident qu'il s'agit là d'enfants désireux de renouer avec
leur histoire.
La
France n'est pas le seul pays concerné par la radicalisation de
certains individus. En novembre 2006, la directrice du MI5 annonçait
que plus de 1600 personnes appartenant à quelques 200
groupes ou réseaux étaient surveillés par ses services. L'année
suivante, une enquête de la BBC révélait que ce chiffre avait déjà
augmenté de 25 % ! Un ancien enseignant d'une école londonienne
fondée et gérée par le gouvernement Saoudien, a affirmé au Times,
en février 2007, qu'un établissement enseignait à ses élèves que
les chrétiens sont des " porcs" et les Juifs des "singes".
En
Suisse, un dénommé Mohamed Achraf s'apprêtait à commettre des
cambriolages pour financer l'achat de 500 kilos de dynamite en
Espagne, lorsqu'il a été interpellé en novembre 2004 par la police
Zurichoise. Le type d'explosif recherché était du même type que
celui ayant été utilisé pour l'attentat de Madrid ! L'individu
dirigeait un groupe d'une vingtaine de membres divisé en quatre
cellules : explosifs - soutien - falsification - idéologie. Ce
réseau était géré depuis l'Andalousie par un chef qui gérait
chacune de ces cellules.
La
facilité avec laquelle un semi-clandestin peut vivre et rester
longtemps indétecté des services de sécurité dépend de
la typologie du quartier, de ses occupations, de ses revenus, et de
la niche ethnique. La société occidentale est sans conteste la plus
perméable. On estime la vague migratoire à 200 000 individus
par an, chiffres aux quels viennent s'ajouter les clandestins et les nombreux
mouvements transfrontaliers au titre de la libre circulation...
A SUIVRE : CES CHIFFRES QUE L'ON NOUS CACHE.
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