UNE
DRAMATIQUE DEMONSTRATION
Le 10
avril 2013 s'est ouvert le procès du drame survenu le 28 juin 2008.
Ce week-end là, les militaires du 3e Régiment parachutiste
d'infanterie de marine (RPIMA) avaient organisé des «journées
portes ouvertes» pour célébrer le maintien de leur régiment à
Carcassonne, et la passation de commandement entre le chef de colonel
Merveilleux du Vignaux et son successeur, le colonel Perrin. Le
dimanche 28 juin 2008, quelques militaires du groupe commando
parachutiste simulent unes libération d'otages « en milieu hostile
» devant un public familial réuni dans la cour de la caserne
Laperrine. Vers 18 heures, dans le brouillard des fumigènes et le
fracas des détonations, un sergent lâche une rafale de Famas en
direction d'un " terroriste " qui a jailli parmi les
spectateurs. Quinze civils et deux militaires s'écroulent fauchés
par les tirs ! Pour le ministre de la Défense, une seule certitude
prévaut « Il y a eu des fautes ou des manquements ».
Les autorités militaires ne
s'expliquent pas comment l'auteur des tirs a fait feu à balles
réelles au lieu de balles à blanc (son arme était équipée d'un
bouchon de tir à blanc). « C'est typiquement le genre d'accident
qui ne peut pas arriver. Jamais les munitions ne sont mélangées et
les balles à blanc et les balles réelles ne sont pas de la même
couleur" (...) « La réglementation impose de stocker les
munitions à blanc (couleur grise) et les munitions réelles (de
couleur verte) dans des soutes différentes », chaque caisse de
munitions est stockée séparément dans des lieux sécurisés.
Comment le sergent a-t-il pu être en possession de balles réelles
et les confondre avec munitions à blanc ?
En principe, l'utilisation des
munitions fait l'objet d'une surveillance stricte avec le décompte
des étuis utilisés et ceux ramassés. L'enquête de gendarmerie a
mis au jour la présence de 5 200 munitions (six caisses) détenues
illégalement, et a révélé que les procédures de contrôles ont
été contournées. « Conformément à une pratique répandue dans
les unités d'élite, ce stock « avait été constitué, d'une part,
pour éluder la lourde procédure militaire de réintégration des
munitions non utilisées, d'autre part, pour permettre aux membres du
commando de disposer immédiatement pour certains exercices d'un
supplément de munitions ». Cette pratique porte un nom " la
graille", et peut tout aussi bien concerner les explosifs, dont
la comparaison entre la quantité remise et utilisée reste
impossible.
On ne naît pas militaire pas plus
qu'autre chose. Durant notre existence, par choix, par formatage
familial, social, ou par un hasard de la vie, on devient ce qu'on a
décidé de devenir. Le militaire qui a " choisi " son
secteur d'activité continue d'apprendre tout au long de sa carrière,
et tend à améliorer toutes ses aptitudes, ses méthodes, ses
techniques, et l'institution, son image.
L'objectif entre la démonstration et
l'accomplissement de la mission est différent. Durant l'instruction,
le militaire a pour objectif de réussir pour soi, tandis que dans
ses missions son attention est dirigée sur la situation. Par contre,
quelle que soit la profession que l'on exerce, toutes les personnes
qui ont une performance à accomplir (atteindre un objectif), suivent
un déroulement similaire. Qu'il s'agisse :
- d'un pompier qui secoure une
personne des flammes ;
- d'un militaire qui affronte
une embuscade ;
- d'un maître nageur qui sauve
un enfant de la noyade ;
- d'un négociateur qui résout
une prise d'otages.
Tous,
ont l'obligation morale de résultat, et quasiment tous utilisent une
méthode qui vise à leur donner un cadre de référence.
Le militaire peut se trouver confronté
à une situation ouverte, c'est-à-dire qu'il ne connaît pas à
l'avance le déroulement de la situation à venir. Par contre, dès
qu'une hostilité apparaît, il se trouve face à une situation
fermée. Il sait par avance ce qu'il doit faire. Peu importe qu'il
faille faire face à un ou plusieurs problèmes humains ou
impersonnels (obstacle physique) simultanés. Le drame survenu a
démontré qu'un automatisme acquis dans le cadre du combat, exclut
l'action consciente, ce qui n'est pas toujours sans danger.
L'instruction est avant tout une
relation et une démarche pédagogique visant à transmettre : des
savoirs, des savoir-faire (des compétences professionnelles) et des
savoir-être conformes à l'image de la fonction. De prime abord,
cela semble simple, mais dans la réalité quotidienne cela nécessite
des compétences, pas seulement militaires. La démonstration a été
montée pour éveiller l'intérêt du public en rendant concret la
théorie par des applications pratiques. La simulation présente des
particularités, principalement, la difficulté à mettre sur pied"
l'exercice, le développement de la compétition entre les
apprenants, et la nécessité d'un cadre et de matériel adaptés à
la mise en situation. Ce qui n'est peut-être pas aussi évident
qu'il y parait.
La
démonstration publique repose sur la dynamique de groupe, mais elle
doit viser la sécurité et la sûreté. La présence d'un public
modifie et altère le comportement militaire, le transformant en
acteur d'un jour. Certains vont alors éprouver le besoin de
renforcer certains traits de personnalité à travers un comportement
fantasmé :
- le besoin à se différencier ou se valoriser ;
- besoin de se surpasser ;
- le goût du risque ;
- attrait pour une épreuve valorisante, etc.
Traits
que l'on retrouve dans d'autres activités " à risques".
En fait, tous ne recherchent pas le danger pour le danger, mais ils
cherchent à échapper au risque en le dominant, en l'apprivoisant.
Leur courage, leur sang froid, leur technique, ne doivent un jour
faillir.
Six militaires
accablés se retrouvent sur le banc des prévenus face aux juges du
tribunal correctionnel de Montpellier, confrontés aux victimes. Les
prévenus inculpés pour "blessures involontaires"encourent
deux ans de prison et 30.000€ d'amende. La responsabilité de
l'institution sera-t-elle, seulement évoquée ?
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