AGORAVOX, L'ENCRE CITOYENNE Quand un lecteur-citoyen averti en vaut deux.
Jusqu'à
il y a encore peu, seule la radio était capable d'atteindre une
masse d'auditeurs répartie aux quatre coins de la planète. En 1918,
la III° Internationale lançait la première campagne de propagande
radiophonique à direction de l'Europe. La tour de l'émetteur du
Komintern située dans un quartier de Moscou s'élevait à 200
mètres au-dessus du sol et diffusait des programmes en plusieurs
langues, bientôt suivie par la British Broadcasting Corporation.
En 1939, une vingtaine de stations appartenant à l'État français
émettaient. En 1941, l'occupant allemand sollicita auprès du régime
de Vichy l'autorisation d'installer une station d'émission en zone
libre pour y relayer sa propagande, qui donnera naissance à RMC. La
« guerre des ondes » et la course à l'audimat vont se révéler de
véritables « armes » de masse à longue portée.
Les
médias sont loin d'êtres neutres, ils cherchent à : séduire -
persuader - influencer - et d'agir sur la culture et l'ordre social,
actions relevant de la manipulation et du domaine de la « guerre »
psychologique. La publicité rend la rédaction captive des
annonceurs qui l'est déjà du conseil d'administration réunissant
propriétaires et actionnaires. Le diktat qui prévaut ? le tirage
duquel découle les recettes publicitaires qui dépendent du
lectorat/audimat, c'est le chien qui se mord la queue. L'information
n'est ni neutre ni impartiale et encore moins objective : La même
information est traitée très différemment selon le titre, l'organe
de presse (écrit, parlé, télévisuel) ou le journaliste.
Rappelez-vous : les faux scoops (armes dans les caves de banlieue),
la dramatisation (le faux charnier de Timisoara), la campagne de
rumeurs lors de l'invasion de l'Irak pour détourner l'attention
(affaire Tony Blair), des faits montés en « épingle » (affaire
Baudis), des omissions ou informations négligées, etc. Je ne sais
rien mais je dirai tout ! Lorsque les faits divers font défaut on
ressort les « marronniers » car le papier ne refuse jamais l'encre.
Les
chaines d'information, surtout celles en continu, se doivent de
trouver de quoi alimenter leur présence dans la boite à images
télévisuelles à chaque instant. Plus les images sont
spectaculaires et parfois « trash », plus elles font de
l'audience et reste simples à traiter dans leur immédiateté. La
vidéo sert juste à nous émouvoir, à nous mobiliser, et non à
nous informer. La presse remplie d'autres fonctions que l'information
: divertissement - évasion - compensation - appartenance sociale
(Jean Stoetzel) - connaissance, etc., mais elle ne participe que très
peu à la grille de lecture sinon pour nous en offrir une lecture
dirigée. Le message véhiculé est-il : argumentatif - descriptif -
explicatif - narratif, etc. Seule la mise en scène du récif destiné
à produire un effet sur le lecteur prévaut. La presse en
mérite-t-elle pour autant le terme de médiacratie et peut-on en
exonérer totalement le lecteur, l'auditeur ou le téléspectateur ?
L'informatique
redécouvre les médias avec le multimédia (texte, son, image,
vidéo, données) qui modifie les règles du journalisme, notamment
celle du : qui - quoi - quand - où - pourquoi apparue pendant la
guerre de Sécession (1861-1865) et vient bouleverser l'acquisition
des connaissances (moocs et tutoriels). L'information n'est pas un
système mécanique, un même événement entraîne différents
points de vue, celui du témoin, du rédacteur et ceux des lecteurs
et des annonceurs. Avec un médium en ligne comme Agoravox par
exemple, l'information n'est plus seulement l'affaire des
journalistes, elle devient aussi celle des lecteurs qui s'en emparent
pour établir une interrelation (transaction), les
lecteurs-débatteurs participent à un échange d'opinion sans
équivalent. Aucun média imprimé ne peut l'offrir et encore moins
avec cette simultanéité propre à Internet. Le 20 heures n'est plus
le messager attendu, il fait figure de parent pauvre avec une dizaine
d'informations alors que des centaines sont tombées sur les
téléscripteurs des agences de presse.
La
sève citoyenne se réapproprie l'information pour la vivifier, mais
le médium a sa propre logique de communication sociale. Il est un
support d'opinions et non la représentation d'une opinion dominante
(pour l'instant) car tout un chacun peut s'y exprimer librement. La
portée du médium s'étend à toute la francophonie et ne dépend
plus des mêmes logiques financières ou nationales. Internet est
transnational et donne raison à MC Luhan qui utilisa pour la
première fois en 1969, l'expression de « Global Village »
que l'on pourrait traduire par village mondial. Nous sommes face à
un modèle culturel et participatif. Le « quatrième pouvoir » cher
à Edmund Burke tend à reculer et le rang de la bande des « 4 P »
à se modifier : politique - police - public - presse en queue de
peloton.
Ce
médium s'apparente à une auberge espagnole (relais où se
retrouvaient les pèlerins qui empruntaient le chemin de
saint-Jacques de Compostelle et où ils apportaient leur souper), le
lecteur s'empare de l'énoncé qui peut être débattu, voire
combattu. Il y a des lecteurs : curieux - instruits - cultivés -
passionnés - respectueux qui contribuent à l'enrichissement de la
réflexion par percolation ou à une fertilisation croisée ;
d'autres qui réagissent à l'emporte-pièce pressés d'émettre un
jugement, leur jugement, heureux de
bénéficier d'une plate-forme pour diffuser plus largement une
opinion qui n'a parfois que peu à voir avec le texte initial
(contre-information). Ce n'est plus lire entre les lignes mais dans
le marc de « caoua
» (café). Par ailleurs, qu'elle valeur accorder à la cotation d'un
article quand l'évaluation (mauvais, moyen, bon, très bon et
excellent) repose sur le vote de quelques lecteurs seulement alors
qu'ils sont plus du millier à l'avoir lu ? De même que le prix d'un
livre ne reflète pas sa valeur informationnelle, le nombre d'étoiles
accordé ne saurait préjuger de la valeur de l'article, en
statistique on appelle cela un échantillon non représentatif.
Certains
se sont faits une spécialité malicieuse, à moins qu'il ne s'agisse
d'un travers psychologique tendance paranoïde (il suffit de
consulter le nombre de réactions de certains pour comprendre
l'addiction dont ils sont l'objet), que d'extraire une partie, un mot
de son contexte qui n'a de sens que dans son cadre, certains
n'attendent pas d'avoir terminé leur lecture pour réagir ! Comme le
mauvais critique qui juge le poète et non le poème, il va pouvoir
rétablir la vérité ou sa vérité en se réfugiant à l'abri
derrière un pseudonyme, c'est à dire en renonçant à ce qui le
singularise, son patronyme, sa filiation... Au fil du temps, leur
adresse IP a changé, leur pseudo aussi, leur description jamais
renseignée (www.ip-adress.com/ip_tracer/), seul le choix de leur «
logo » et leurs
interventions antérieures véhiculent une série d'indications à
leur sujet. Par contre, leur
écriture compuscripte reste identifiable entre mille et on peut la
voir évoluer au fil du temps chez certains vers une « rage »
contenue qui vient trahir leur « mal être » intérieur. Rares sont
ceux à saisir leur clavier pour rédiger un « article », pensez
donc ! cela reviendrait à se mettre à nu devant la communauté et
il est bien plus facile d'écrire en réaction et sur une impulsion
(billet d'humeur) que de rédiger sans prétention aucune, un texte à
partager avec la communauté.
Ce
genre de personnes représente une approche modifiée du triangle de
Karpamn passant du rôle d'accusateur (procureur) à celui de la
défense (avocat), et d'afficher le déni ou la victimisation de
l'accusé. Est-elle consciente de reproduire le contraire de ce
qu'elle entend dénoncer et de confirmer le dicton : « donner
un grain de pouvoir à un homme et il ne tardera pas à en abuser.
» Il nous faut relativiser, ce genre d'énergumènes ne représente
qu'une infime partie du lectorat et comme leurs interventions sont
clivées et que ce sont souvent les mêmes qui « sévissent », ils
doivent représenter en valeur pondérée deux ou trois pour
dix-mille lecteurs... Leur répondre serait comme de le faire
à un inconnu qui vous interpelle dans la rue oubliant la plus
élémentaire règle de savoir-vivre, celle de se présenter et
de conserver une distance sociale (travaux du sociologue Edward
Hall). Désolé (euphémisme) mais tout le monde ne partage pas les
mêmes valeurs et chacun a un parcours de vie différent contribuant
ainsi à notre individualité. Nous ne sommes pas des moutons de
Panurge.
Il
y a des articles et des commentaires qui donnent à penser que des
auteurs rédigent parfois un article ciblé en guise de réponse à
un lecteur ayant déposé un commentaire « discourtois » pour le
provoquer ou l'amener à se découvrir encore un peu plus devant la
communauté des lecteurs. Les « teasers »
(déclencheurs) les plus fréquemment utilisés sont : le réflexe
d'attirance - d'aversion - de frustration - d'identification - le
sexe - l'âge - la culture d'appartenance - la classe sociale -
l'idéologie. Le lecteur visé affublé de ses filtres mentaux se
précipite généralement tête baissée vers le « collet »...
A-t-il entendu parler des travaux de certains services chargés de
l'étude des messages circulant par-ci, par là ? A moins qu'il ne
participe involontairement et par ignorance à une étude
sociologique... Si seulement il
avait pris l'élémentaire précaution de terminer sa lecture et lu
les autres posts après
s'être assuré
d'avoir compris le thème dans son cadre au lieu d'engager une
transaction paradoxale, que de malentendus seraient évités et de
moments agréables partagés. Il nous faut ici souligner que le
rédacteur reste un bénévole qui présente une approche de certains
faits sans pour autant y adhérer forcément, CQFD ! L'article n'est
pas un procès-verbal.
L'histoire
nous a transmis un dialogue entre Socrate et un interlocuteur demeuré
inconnu.
-
L'interlocuteur : « sais-tu que j'ai
appris une nouvelle concernant ton ami ? »
-
Socrate : « Attends un instant,
avant de me transmettre une nouvelle, je voudrais qu'elle passe le
test des trois filtres. Tout d'abord celui de la vérité : as-tu
vérifié si ce que tu me rapportes est vrai ? »
-
I : « Non je l'ai seulement entendu
dire. »
-
S : « Alors prenons le deuxième
filtres, celui de la bonté. Ce que tu veux m'apprendre sur mon ami,
est-ce quelque chose de bien ? »
-
I : « non, pas du tout, il paraît
qu'il a mal agi ! »
-
S : « Ainsi, tu veux me raconter de
mauvaises choses sur mon ami et tu n'es pas sûr que ce soit vrai !
Il reste encore le filtre de l'utilité. Est-ce utile pour moi de
savoir ce qu'a fait mon ami ? »
-
I : « Pas vraiment. »
-
S : « Alors, si ce que tu veux me
dire n'est ni vrai, ni bon, ni utile, pourquoi me le faire savoir.
Toi aussi tu ferais mieux de l'oublier. »
Quelques
lecteur n'entrent en communication que pour obtenir la satisfaction
d'un désir déclaré mais plus souvent latent afin de combler leur
frustration sans prendre le temps de la réflexion ni de soupeser le
pour et le contre, l'avantage et le désavantage de leur
participation. Tout contributeur ou débatteur désireux d'éviter
une relation paradoxale et une perte de temps inutile se doit de
savoir repérer ces artifices pour les contourner ou rétablir une
vérité première. Le débatteur respecte-t-il la chronologie,
procède-t-il à des ressemblances, des amalgames, soulève-t-il de
nouvelles implications, juxtapose-t-il des ressemblances, établit-il
des relations de cause à effet, utilise-t-il des figures appartenant
au champ de la rhétorique ? Tout peut devenir ambigu et venir
contribuer à brouiller la pensée initiale, chacun ensuite de rester
sur son rail sans jamais rencontrer son interlocuteur. On « parle »
mais sans échanger vraiment, car la communication reste déphasée
et sous l'égo se devine « le fond qui remonte à la surface
», c'est la sempiternelle histoire du contenant et du contenu.
Le
multimédia reste un couteau suisse, c'est à dire un outil capable
de répondre à différentes utilisations, notamment à une demande
et à une culture qui seules lui donnent sens. La grille de lecture
est parfois brouillée par des positions dogmatiques étoffées d'une
sensibilité exacerbée sur lesquelles viennent se greffer une
analyse de texte parfois défaillante et une culture indigente, ce
qui n'empêchent pourtant pas leur tenant d'avoir une idée sur(tout)
et qui ne se prennent jamais à douter... Qu'importe ! la vérité
est plurielle. Petite phrase du jour : «
Il y a deux sortes de vérités : celle du raisonnement et celle
des faits. Les vérités de raisonnement sont nécessaires et leur
opposé impossible, et celles des faits sont contingentes et leur
opposé est possible. » ( Leibniz)
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